La pelouse de l'académie "Je suis", en français dans le texte, est la seule où ils sont acceptés, soutiennent ces jeunes âgés de 15 à 27 ans. "Je jouais dans un club d'Alexandrie et il m'a été demandé de jouer sous un prénom musulman", raconte à l'AFP le fondateur de ce lieu inédit, Mina Bandari, qui porte un prénom très répandu chez les coptes, les chrétiens d'Egypte.
"Le problème s'est répété avec plusieurs clubs, ce qui m'a poussé à arrêter de jouer et à me concentrer sur la résolution du problème des chrétiens dans le football en Egypte", explique-t-il. La sélection nationale et les grands clubs du pays ne comptent aucun joueur copte, alors que la communauté est estimée à environ 10% d'une population de près de 100 millions d'habitants.
Installée dans la grande ville portuaire du nord de ce pays majoritairement musulman, l'académie, qui fêtera ses trois ans en juin, accueille des chrétiens "quel que soit leur niveau" et qui "sont rejetés par les équipes seulement à cause de leur prénom", explique-t-il.
Parmi eux, Mina Samir, milieu de terrain de 17 ans, suscite un enthousiasme particulier. "Il est sans pareil", s'exalte son jeune entraîneur qui le surnomme "Cristiano", pour sa ressemblance avec l'attaquant portugais du Real Madrid Cristiano Ronaldo.
Après des essais concluants, l'entraîneur d'un "club connu" avait demandé à Mina Samir son prénom. En entendant la réponse, "son enthousiasme a disparu et il m'a répondu: on vous rappellera", raconte-t-il à l'AFP. L'entraîneur n'a jamais rappelé. La famille du joueur lui conseille alors d'abandonner son rêve. "Le football n'est pas fait pour nous, mieux vaut se concentrer sur tes révisions", s'entend-il dire.
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Plus âgé que ses coéquipiers, la petite barbe noire bien taillée, Mina Choukri Ismaïl, un pharmacien de 27 ans, se souvient d'une enfance tranquille passée dans un quartier musulman. "Je n'arrive pas à comprendre cette intolérance dans le football", confie-t-il avant de lancer: "Nous sommes tous des Egyptiens au final".
C'est aussi l'avis de Mina Bandari qui souhaite former une équipe de quatrième division, ouverte aux musulmans car, tient-il à préciser, "il ne s'agit pas d'une sédition, mais d'un rejet du racisme". Victimes de discriminations, les coptes ont été dernièrement la cible d'attaques sanglantes du groupe Etat islamique.
Capitaine des Pharaons -surnom de l'équipe nationale- à la fin des années 1990, Hani Ramzi, qui a officié dans des clubs européens, reste le seul joueur copte connu des Egyptiens. "Est-il normal que, dans l'histoire du football égyptien, il n'y ait eu que cinq joueurs chrétiens de haut niveau?", s'est insurgé le truculent commentateur de la vie footballistique et ancien international Ahmed Hossam, alias "Mido", sur la chaîne privée DMC le mois dernier.
Il souligne que les coptes ne sont toutefois pas les seules victimes du racisme. L'ancienne star de Tottenham, de l'Olympique de Marseille ou encore du club égyptien de Zamalek, a aussi réagi aux commentaires racistes contre le joueur noir Ali Ghazal, originaire du sud de l'Egypte, après une parution sur les réseaux sociaux d'une photo avec sa fille métisse. Les stades d'Egypte sont pleins de "personnes très racistes qui ne s'en cachent pas", souligne Ahmed Hossam.
Certains tentent de lutter contre ce phénomène, à l'instar de Mohamed Khalifa, entraîneur d'un petit club du nord du Caire. "Trois joueurs chrétiens y occupent des postes importants sur le terrain parce qu'ils ont du talent", explique-t-il simplement à l'AFP. Pour lui, les causes de cette discrimination ne sont pas religieuses, mais liées au "manque de compréhension et d'acceptation de l'autre".
Magdi Abdel Ghani, ancien joueur et membre important de la Fédération égyptienne de football, nie toutefois l'existence d'une discrimination antichrétienne dans le football. "La première chose que nous apprenons dans n'importe quelle fédération c'est: non au racisme!", assure-t-il à l'AFP.