Il s'agit des premières législatives depuis le soulèvement populaire inédit et pacifique, né le 22 février 2019 du rejet d'un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, poussé près de deux mois plus tard à la démission après 20 ans de règne.
Enjeu principal, le taux de participation national n'a atteint que 30,20%, le score le plus faible depuis au moins 20 ans pour des législatives, selon le président de l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), Mohamed Chorfi.
A titre de comparaison, il se situait à 35,70% lors des dernières législatives de 2017 (42,90% en 2012). La participation est même en recul par rapport à la présidentielle de 2019, qui avait vu Abdelmadjid Tebboune élu avec seulement 40% des voix, soit une abstention record pour une telle élection.
Mais quoi qu'il arrive, le pouvoir s'en accommodera.
"Pour moi, le taux de participation n'a pas d'importance. Ce qui m'importe, c'est que ceux pour lesquels le peuple vote aient une légitimité suffisante", a d'ores et déjà expliqué le président Abdelmadjid Tebboune.
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La couleur de la prochaine assemblée devrait se dégager dimanche mais les résultats officiels pourraient ne pas être annoncés avant 96 heures, a précisé le président de l'ANIE.
Les opérations de vote se sont déroulées généralement dans le calme à Alger, où les électeurs se comptaient sur les doigts d'une main, et en province, sauf en Kabylie, région frondeuse où la participation a déjà été quasi nulle lors des précédents scrutins.
Les Algérois ont défilé au compte-gouttes dans les isoloirs, selon des journalistes de l'AFP sur place.
"Je n'ai jamais voté et cette fois c'est pareil. Je ne crois pas que les choses pourront changer", a dit Fatiha, une commerçante cinquantenaire.
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"J'ai voté pour la stabilité (...) Ceux qui refusent le scrutin ne proposent aucune alternative réaliste", a plaidé de son côté Hamid, un cadre de 60 ans.
En Kabylie (nord-est), la quasi-totalité des bureaux de vote ont fermé à Béjaïa et Tizi Ouzou, les villes les plus peuplées de la région berbérophone, selon la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme et le Comité national pour la libération des détenus (CNLD).
Des échauffourées ont éclaté dans plusieurs communes kabyles, avec saccage des urnes, et les forces de l'ordre ont procédé à des dizaines d'interpellations, selon la LADDH et le CNLD.
Des images de bulletins de vote jonchant les rues en Kabylie ont circulé sur les réseaux sociaux.
Le CNLD a également fait état d'arrestations à Alger et dans la ville voisine de Boumerdès.
Avant les élections, le Hirak, qui réclame en vain un changement radical du "système" de gouvernance en place depuis l'indépendance (1962), avait dénoncé une "mascarade électorale" et "une fuite en avant" du régime. L'opposition laïque et de gauche a boycotté le scrutin.
Qu'importe, le pouvoir est déterminé à imposer sa "feuille de route" électoraliste, en ignorant les revendications du Hirak: Etat de droit, transition démocratique, souveraineté populaire, justice indépendante.
Quelque 24 millions d'Algériens étaient appelés à élire les 407 députés de l'Assemblée populaire nationale pour cinq ans. Ils devaient choisir parmi 2.288 listes, dont plus de 1.200 s'affichent comme "indépendantes".
C'est la première fois qu'un nombre aussi élevé d'indépendants se présentent face à des prétendants endossés par des partis largement discrédités et jugés responsables de la crise dans le pays.
Les vainqueurs des précédentes législatives en 2017, le Front de libération nationale et le Rassemblement national démocratique, associés à l'ère Bouteflika, sont aujourd'hui déconsidérés.
Il faudra aussi compter avec la mouvance islamiste modérée qui a pris part au scrutin.
Certains analystes lui prédisent une majorité relative dans la nouvelle assemblée.
Avant le scrutin, le chef d'état-major, le général Saïd Chengriha, a mis en garde contre "tout plan ou action visant à perturber le déroulement" du vote.
Considéré comme une façade civile de l'institution militaire, le gouvernement s'est efforcé ces derniers mois d'étouffer la contestation, interdisant les manifestations et multipliant les interpellations et les poursuites judiciaires visant opposants, militants, journalistes et avocats.
Quelque 222 personnes sont actuellement incarcérées pour des faits en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles, selon le CNLD.
Estimant avoir déjà répondu aux demandes du Hirak, le pouvoir dénie depuis plusieurs mois toute légitimité à ce mouvement sans véritables leaders, qu'il accuse d'être instrumentalisé par des "parties étrangères".
Pour le porte-parole du gouvernement, Amar Belhimer, "ces élections honnêtes et transparentes battront en brèche toutes la machinations diaboliques fomentées par des laboratoires aux visées destructrices".