Les explosions et les tirs n’ont pas cessé de résonner à Khartoum et dans d’autres villes ce lundi 24 avril, mais les capitales étrangères sont parvenues à négocier des passages avec les deux belligérants, l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) commandés par le général Mohamed Hamdane Daglo.
Plus de 1.000 ressortissants de l’UE ont été évacués du pays, a annoncé lundi le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. «Les forces britanniques ont profité d’une petite fenêtre d’opportunité», a indiqué pour sa part un porte-parole du gouvernement à Londres.
Car, «avec des combats intenses qui se poursuivent à Khartoum et la fermeture du principal aéroport», «une évacuation temporaire plus large était impossible », a-t-il poursuivi. Plusieurs pays arabes ont également évacué des centaines de leurs ressortissants.
Les violences, principalement dans la capitale et au Darfour, dans l’ouest, ont fait selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) plus de 420 morts et 3.700 blessés. La plupart des étrangers évacués sont des membres du personnel diplomatique, de nombreux ressortissants attendant, eux, toujours une place dans les longs convois de voitures blanches ou les bus siglés qui partent en continu vers Port-Soudan, sur la côte est, ou vers des bases aériennes hors de Khartoum.
Mais si de nombreux étrangers sont partis, qu’adviendra-t-il des Soudanais, se demandent experts et humanitaires. «J’ai peur pour leur avenir», admet sur Twitter l’ambassadeur norvégien Endre Stiansen. «Maintenant, les armes et les intérêts personnels pèsent plus que les valeurs et les mots: tous les scénarios sont mauvais», poursuit-il.
Quitter Khartoum
Les cinq millions d’habitants de Khartoum, eux, n’ont qu’une idée en tête: quitter la ville qui ressemble de plus en plus à un piège. L’eau courante et l’électricité sont coupées depuis plusieurs jours, le réseau téléphonique s’est fortement dégradé et les vivres commencent à manquer.
Dans un pays où l’inflation est déjà à trois chiffres en temps normal, le kilo de riz ou le litre d’essence s’échangent désormais à prix d’or. Or, l’essence est la clé pour s’échapper: il en faut beaucoup pour rejoindre l’Egypte voisine -à 1.000 km au nord- vers laquelle des milliers de Soudanais espèrent désormais se tourner. Ou pour rallier Port-Soudan, à 850 km à l’est, et espérer monter dans un bateau, comme l’ont fait les tout premiers évacués du pays, les Saoudiens.
«Alors que les étrangers qui le peuvent s’enfuient, l’impact des violences sur une situation humanitaire déjà critique au Soudan s’aggrave», prévient l’ONU. Prises sous les tirs croisés, ses agences et de très nombreuses organisations humanitaires ont suspendu leurs activités. Cinq humanitaires, dont quatre de l’ONU, ont été tués et, selon le syndicat des médecins, près des trois quarts des hôpitaux sont hors service.
Pillages et attaques
Déjà, des milliers de Soudanais ont fui en Egypte, au Soudan du Sud et au Tchad, frontalier du Darfour. Cette région de l’ouest, la plus pauvre du pays a été ravagée dans les années 2000 par une sanglante guerre. Aujourd’hui, alors que personne n’y a accès, elle est de nouveau en proie aux pillages, aux attaques et aux atrocités.
Le Programme alimentaire mondial (PAM) rapporte ainsi que «10 véhicules et six camions de nourriture ont été volés», soit «4.000 mètres cube d’aliments» qui n’iront pas aux 45 millions de Soudanais, dont plus d’un sur trois souffrait de la faim avant le confit actuel.
Sur le plan militaire, avec les deux camps engagés dans une guerre de l’information, il est impossible de savoir qui contrôle les institutions du pays ou les aéroports et dans quel état se trouvent les infrastructures après les raids aériens, tirs d’artillerie et autres combats de rue.