L'Argentin Jorge Bergoglio, petit-fils de migrants italiens, a fait du sort des réfugiés l'un des thèmes fondamentaux de son pontificat entamé voici près de cinq ans. "Personne ne doit sentir qu'il n'a pas sa place sur cette Terre", a-t-il estimé dans sa traditionnelle homélie de la veillée de Noël, précédant son cinquième message de Noël "Urbi et orbi" ("à la ville et au monde"), à la tonalité plus politique.
Autre temps fort spirituel de la veille de Noël, la messe de minuit dans l'antique Bethléem, en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël, n'a pas échappé aux tensions du moment. Pierbattista Pizzaballa, haut dignitaire catholique romain du Proche-Orient qui a célébré la messe, a exhorté au courage les chrétiens, "préoccupés et peut-être épouvantés de la diminution de (leur) nombre" dans une région en plein tumulte.
Faisant référence à l'ancien roi de Judée, il a fustigé les guerres menées par "les Hérode d'aujourd'hui pour devenir plus grands, occuper plus d'espace". Pierbattista Pizzaballa s'est écarté de son discours prévu pour évoquer la décision unilatérale, le 6 décembre, de Donald Trump de reconnaître Jérusalem capitale d'Israël.
Une décision suivie dimanche par le Guatemala -premier pays à emboîter le pas à Washington- dont le président, Jimmy Morales, a annoncé le transfert de son ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem. Les églises traditionnelles ont déjà exprimé leur réprobation. Mais Mgr Pizzaballa a insisté: "Jérusalem est une cité de paix, il ne peut y avoir de paix si l'un est exclu", a-t-il dit en réitérant le principe que Jérusalem doit être une ville pour deux peuples et trois religions. "Jérusalem est notre mère" et si la mère perd un de ses enfants, elle "ne peut trouver la paix, alors prions pour Jérusalem", a-t-il dit dans son homélie, prononcée en présence du président palestinien Mahmoud Abbas.
La décision de M. Trump, qui a assisté dimanche en compagnie de sa femme Melania à un service de Noël dimanche soir en Floride, a provoqué des manifestations quasi-quotidiennes dans les Territoires, et terni la fête de Noël pour les chrétiens palestiniens.
Sur la place de la Mangeoire à Bethléem, l'ambiance était morose, malgré les chants de Noël diffusés par haut-parleurs. Quelques centaines de Palestiniens et de touristes étrangers ont bravé un vent froid près de l'église de la Nativité érigée sur le site où, selon la tradition, Marie donna naissance à Jésus, pour regarder un défilé de scouts. "C'est triste", "les gens sortent peu", a dit à l'AFP Nahil Banoura, un Palestinien de confession chrétienne.
Pour les Palestiniens, chrétiens comme musulmans, la reconnaissance par Washington de Jérusalem en tant que capitale d'Israël nie l'identité arabe de Jérusalem-Est, occupée et annexée par Israël, et mine leur aspiration à y établir un jour la capitale de leur futur État. Dans un communiqué, le président palestinien a appelé "les chrétiens du monde à écouter les (...) voix des chrétiens de Terre sainte qui rejettent catégoriquement la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d'Israël".
À Khartoum, le président turc Recep Tayyip Erdogan a déclaré qu'il avait discuté de Jérusalem avec le pape. "Ce n'est pas qu'une affaire concernant les musulmans, mais aussi les chrétiens et l'humanité entière", a-t-il affirmé, appelant à de nouvelles démarches après les votes au Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale de l'ONU.
En Syrie et en Irak, deux pays d'où le groupe jihadiste État islamique (EI) a été chassé en 2017 de la quasi-totalité des territoires qu'il avait conquis, des minorités chrétiennes ont pu renouer avec les célébrations de Noël. C'est le cas à Mossoul, deuxième ville d'Irak, reprise à l'EI en juillet. Même si seule une petite partie des chrétiens de cette cité est revenue, des chants de Noël ont de nouveau résonné dimanche dans l'église Saint-Paul où des tentures rouges et blanches cachaient en partie les stigmates de la guerre. Le patriarche chaldéen, Mgr Louis Sako, a appelé les dizaines de fidèles présents à prier pour "la paix et la stabilité à Mossoul, en Irak et dans le monde".
En Syrie, dans l'autre ex-bastion de l'EI, Raqa, repris en octobre, il faudra encore attendre avant de retrouver l'esprit de Noël: deux églises historiques ont bien été déminées, mais les habitants ne sont pas encore revenus. À Homs (centre), en revanche, la communauté chrétienne a célébré Noël pour la première fois depuis la reprise totale de cette ville par le régime de Bachar al-Assad et la fin des combats, avec des récitals, une procession et des spectacles pour enfants. À Damas, les rues des quartiers en majorité chrétiens, tels Bab Touma, ont été décorées de sapins miniatures ornés de paillettes dorées ou argentées.
La situation des chrétiens d'Orient demeure toutefois précaire, comme en Égypte, où les Coptes, qui fêteront Noël le 6 janvier, sont régulièrement victimes d'agressions. Vendredi, une église du sud du Caire a été attaquée par des centaines d'individus qui ont détruit le mobilier et s'en sont pris aux fidèles avant l'intervention des forces de sécurité, selon l'archevêché d'Atfih.
Aux Philippines, la journée de lundi a été endeuillée par la mort de vingt personnes qui ont péri dans une collision entre deux autocars alors qu'elles se rendaient à une messe de Noël.
En France, où la menace jihadiste demeure élevée, près de 100.000 membres des forces de sécurité sont mobilisés dimanche et lundi à l'occasion des fêtes de Noël, notamment autour des lieux touristiques et des églises.