Mardi, des dizaines de jeunes militants ont occupé pendant près de huit heures les locaux du ministère de l'Environnement à Beyrouth, pour réclamer la démission du ministre Mohammad Machnouk. Une escalade inédite depuis le début d'une vaste mobilisation le 22 août. Les manifestations, qui agitent la capitale depuis, illustrent le ras-le-bol de la population face à la corruption, au délabrement des services publics 25 ans après la fin de la guerre civile, et à la paralysie des institutions politiques.
Signe de ce blocage, exacerbé depuis plus de quatre ans par le conflit en Syrie voisine, une nouvelle session parlementaire consacrée à l'élection d'un président de la République - poste vacant depuis plus d'un an - prévue mercredi, a été reportée au 30 septembre.
Le Conseil de sécurité de l'ONU a apporté mercredi son soutien au gouvernement, tout en réclamant l'élection rapide d'un président.
Au lendemain d'une journée mouvementée durant laquelle les militants ont été évacués de force du ministère par la police, attisant encore plus la colère de la rue, les organisateurs des campagnes citoyennes se sont dit déterminés à aller de l'avant.
"Toutes les options sont ouvertes", a affirmé à l'AFP Assaad Thebian, l'un des organisateurs de "Vous puez", principal collectif derrière la mobilisation. Il a précisé que des initiatives seraient annoncées "en soirée". Par ailleurs, "on va appeler toutes les régions libanaises à se mobiliser", a-t-il souligné.
“Banqueroute politique”Un autre collectif, baptisé "Nous demandons des comptes", a rassemblé en fin d'après-midi quelques dizaines de personnes sur la place Riad el-Solh, dans le centre-ville de Beyrouth.
L'un des organisateurs, Neemat Badraddine, a promis que les manifestations continueraient devant les institutions publiques "qui sont la propriété du peuple libanais". Selon Thebian, "les dirigeants sont dans un état de banqueroute politique, incapables de prendre des décisions".
Maha Yahya, du Carnegie Middle East Center, a estimé de son côté que les revendications devraient être "prises au sérieux" par le pouvoir. "Ce n'est pas seulement (une crise) à propos des déchets, c'est à propos de la gestion du gouvernement", a-t-elle dit à l'AFP.
Le gouvernement "ne veut tout simplement pas reconnaître que c'est un véritable mouvement de gens qui en ont assez".
Lors d'une conférence de presse, le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk a mis en garde contre toute nouvelle action de la société civile. "Toute occupation, sit-in ou dommage infligé aux institutions publiques sera géré de façon immédiate en vertu de la loi et avec force", a-t-il averti. Il a cependant reconnu que certains officiers avaient eu recours à une force excessive contre les protestataires lors de la manifestation du 22 août.
“Sanctions disciplinaires”
"Deux officiers seront présentés devant une Cour disciplinaire et six recevront des sanctions disciplinaires pour avoir agi de façon impulsive sans en référer à leurs supérieurs", a-t-il dit.
En plus de la démission du ministre de l'Environnement, les militants réclament une solution durable au problème des ordures qui dure depuis un mois et demi, les déchets s'accumulant dans les rues de Beyrouth et de ses environs depuis la fermeture de la principale décharge du pays.
Et les revendications se sont élargies, les militants réclamant désormais la tenue de législatives, dans un pays où aucune élection n'a été organisée depuis 2009, le Parlement ayant prorogé à deux reprises son propre mandat. Mercredi, la presse soulignait l'ampleur de la mobilisation et la persévérance des manifestants qui, fait rare au Liban, ne répondent pas à l'appel d'hommes politiques ou de leaders religieux.
Mais certains experts mettent en garde contre la multiplication des revendications, qui pourrait à terme affaiblir le mouvement. Le mouvement a "brisé une certaine apathie au sein de la société" libanaise, mais certaines des revendications comme la démission d'un ministre "ne résoudra aucun problème", estime Sahar Atrache, analyste au sein de l'International Crisis Group. "J'espère qu'il y aura une mobilisation ciblée et réaliste (...), car le mouvement pourrait perdre son élan s'il ne réalise pas des objectifs concrets dans l'avenir proche", indique-t-elle à l'AFP.