Ce renoncement semble marquer l'échec de l'initiative lancée après la tragique explosion du 4 août au port de Beyrouth, par le président français Emmanuel Macron qui doit tenir en soirée à Paris une conférence de presse au sujet du Liban, pays en proie à la crise économique, sociale et politique la plus grave de son histoire.
Les partis politiques libanais s'étaient engagés auprès d’Emmanuel Macron, venu à Beyrouth début septembre, à former un cabinet composé de ministres "compétents" et "indépendants" dans un délai de deux semaines.
Mais hier, samedi, Moustapha Adib, chargé le 31 août de former un nouveau gouvernement, a jeté l'éponge, mettant en avant l'inexistence d'un consensus entre les forces politiques en dépit de l'urgence de mettre le pays sur la voie des réformes économiques vitales.
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"La page Moustapha Adib tournée, et maintenant?", s'interroge en une le quotidien francophone L'Orient-Le Jour, parlant de "saut dans l'inconnu, voire même d'une autoroute vers 'l'enfer'".
"Un renoncement aux graves répercussions et les regards tournés vers Macron", titre le quotidien arabophone Annahar.
Les craintes vont crescendo d'une dégradation supplémentaire de la situation dans le pays, où la classe dirigeante est accusée de corruption, d'incompétence et d'indifférence par une grande partie de la population.
Selon la Constitution, le chef de l'Etat doit désormais mener de nouvelles consultations parlementaires contraignantes pour désigner un Premier ministre.
Mais ce processus risque, une nouvelle fois, de s'éterniser, voire d'échouer alors que le Liban, où le mouvement pro-iranien Hezbollah domine la vie politique, a besoin de mener les réformes réclamées par la communauté internationale pour débloquer des milliards de dollars d'aide.
"Il y avait une chance et il y avait beaucoup de pression pour former un gouvernement. Cela ne s'est pas produit, ce qui signifie que le problème est plus grand" que les considérations locales, affirme à l'AFP Sami Atallah, directeur du Centre libanais d'études politiques.
Il faisait allusion aux tensions géopolitiques, notamment entre les Etats-Unis et l'Iran, deux pays ennemis, sur le Liban. Washington considère le Hezbollah chiite comme une "organisation terroriste".
La formation du gouvernement libanais a été, dans les faits, entravée par les revendications du Hezbollah et de son allié Amal qui réclamaient le portefeuille des Finances.
Selon les observateurs, l'obstination du tandem chiite est liée aux sanctions américaines imposées à un ministre du parti Amal, qui était aux Finances, et à deux compagnies affiliées au Hezbollah.
"Un tel degré d'irresponsabilité, quand le sort du Liban et de son peuple est en jeu! Politiciens, avez-vous vraiment saboté cette chance unique créée par la France?", s'est insurgé samedi le coordinateur spécial de l'ONU pour le Liban, Jan Kubis.
Emmanuel Macron avait averti que si les promesses de former rapidement un gouvernement et de procéder à des réformes n'étaient pas tenues d'ici octobre, "il y aura des conséquences".
Moustapha Adib avait succédé à Hassan Diab qui avait démissionné après l'explosion dévastatrice survenue le 4 août dans un entrepôt où étaient stockées d'importantes quantités de nitrate d'ammonium au port de Beyrouth: plus de 190 morts, plus de 6.500 blessés et des quartiers entiers détruits.
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C'était le drame de trop dans un pays souffrant depuis des mois d'une dégringolade de la monnaie nationale, d'une hyperinflation et d'une paupérisation à grande échelle de sa population, sans oublier la pandémie de Covid-19.
L'explosion avait attisé la colère de la population contre la classe politique quasi inchangée depuis des décennies, un ras-le-bol accentué par la très faible mobilisation de l'Etat pour aider les sinistrés.
Lundi, Michel Aoun, un allié du Hezbollah, avait averti que le Liban se dirigerait vers "l'enfer" si un nouveau gouvernement n'était pas formé.
Pour le politologue Karim Bitar, "à défaut d'aller en enfer, nous assisterons probablement à une escalade de la violence, à une fragilisation de toutes les institutions publiques, à une aggravation de la crise économique et (...) à une vague d'émigration".