Parmi les 46 autres personnes condamnées figurent une majorité de jihadistes d'Al-Qaïda, alors que le royaume s'inquiète de la menace représentée par les groupes extrémistes sunnites comme l'Etat islamique (EI). Al-Qaïda a récemment promis des représailles en cas d'exécution de ses membres.
Les protestations les plus fortes après l'exécution du cheick al-Nimr sont venues d'Iran, puissance chiite qui entretient des relations tendues avec l'Arabie saoudite sunnite. Téhéran a averti que Ryad paiera "un prix élevé" pour cette mort, tandis que des manifestations ont été appelées pour dimanche contre l'Arabie.
Qualifiant "d'irresponsables" les déclarations de Téhéran, le porte-parole du ministère saoudien de l'Intérieur, Mansour al-Turki, a souligné que son pays "ne se préoccupait pas de ce que les autres pensent". Les condamnés - 45 Saoudiens, un Égyptien, un Tchadien - ont été exécutés au sabre ou par balles dans douze villes du royaume. Ils avaient été condamnés, selon les autorités, dans différentes affaires, notamment pour avoir épousé une idéologie radicale, rejoint des "organisations terroristes" et mis à exécution des "complots criminels".
Des monarchies sunnites de la région dont Bahreïn et les Emirats arabes unis ont salué l'attitude de l'Arabie saoudite. A Bahreïn, quelques jeunes de la majorité chiite se sont toutefois rassemblés dans les banlieues de Manama pour protester contre ces exécutions.
“Sabre au-dessus du cou”
Le cheikh Nimr al-Nimr, 56 ans, virulent critique de la dynastie sunnite des Al-Saoud, a été la figure de proue du mouvement de contestation qui avait éclaté en 2011, dans la foulée des printemps arabes, dans l'est de l'Arabie où vit l'essentiel de la minorité chiite.
Cette communauté, qui se concentre dans la Province orientale riche en pétrole, se plaint d'être marginalisée dans ce pays majoritairement sunnite. Elle a été victime "de discriminations sectaires", selon le chercheur Toby Matthiesen de l'Université d'Oxford.
L'exécution du cheikh Nimr "provoquera la colère des jeunes" chiites en Arabie saoudite, a mis en garde son frère, Mohammed al-Nimr, dans un entretien téléphonique avec l'AFP. "Il y aura des réactions négatives à l'intérieur du royaume et à l'étranger mais nous espérons qu'elles seront pacifiques", a-t-il déclaré.
Le cheikh Nimr avait été condamné à mort en octobre 2014 pour "terrorisme", "sédition", "désobéissance au souverain" et "port d'armes" par un tribunal de Ryad.
Son arrestation en juillet 2012 avait provoqué de violentes manifestations.
Le neveu du cheikh, Ali al-Nimr, ne figure pas parmi les suppliciés. Sa condamnation à mort alors qu'il était mineur au moment des faits avait suscité de vives critiques des défenseurs des droits de l'Homme dans le monde. La situation d'Ali al-Nimr reste toutefois "très dangereuse. Le sabre reste suspendu au-dessus de son cou, à moins qu'il ne soit rendu à sa famille", a déclaré son père Mohammed al-Nimr.
L'organisation de défense des droits de l'Homme Amnesty International avait dénoncé des "procès iniques" contre Ali et cheik al-Nimr.
Après l'exécution de samedi, un dirigeant du parti chiite Dawa au pouvoir en Irak a appelé à des mesures de rétorsion dont la fermeture de l'ambassade saoudienne récemment rouverte à Bagdad ou l'exécution des "terroristes" saoudiens détenus dans le pays.
Le mouvement chiite libanais Hezbollah a de son côté dénoncé "un crime haineux perpétré sur la base de fausses allégations".
“Le sang va couler”
Parmi les personnes exécutées samedi figurent aussi des jihadistes sunnites condamnés pour leur implication dans des attentats meurtriers revendiqués par le groupe Al-Qaïda de feu Oussama ben Laden en 2003 et 2004.
La liste inclut le nom de Fares al-Shuwail que des médias saoudiens ont présenté comme étant un leader religieux d'Al-Qaïda en Arabie saoudite, arrêté en août 2004.
En 2011, les autorités saoudiennes avaient mis en place des tribunaux spéciaux pour juger des dizaines de Saoudiens et d'étrangers accusés d'avoir participé à une vague d'attentats sanglants d'Al-Qaïda (plus de 150 morts) dans le royaume entre 2003 et 2006.
L'actuel prince héritier Mohammed ben Nayef, qui avait échappé à un attentat, avait supervisé la répression. Le 1er décembre, la branche d'Al-Qaïda au Yémen avait menacé de faire "couler le sang" si Ryad décidait d'exécuter les jihadistes détenus.
Les 47 exécutions sont les premières de l'année 2016 dans ce royaume ultra-conservateur qui avait mis à mort 153 personnes l'année dernière, selon un décompte de l'AFP basé sur des chiffres officiels. Le nombre d'exécutions en 2015 a largement dépassé celui enregistré en 2014 (87).