Ces derniers mois, la Russie a déjà été accusée de possibles interférences dans les élections en Moldavie, Géorgie et Roumanie.
Berlin a mis en place un groupe de travail spécifique chargé de «prendre les mesures de protection nécessaires» contre la désinformation, l’espionnage et le sabotage visant les élections du 23 février, a annoncé la ministre de l’Intérieur, Nancy Faeser.
«Les mensonges ciblés et la diffamation font partie des instruments utilisés par l’appareil de propagande de Poutine», a souligné la ministre dans une interview à la Süddeutsche Zeitung (SZ).
Si le gouvernement de centre gauche du chancelier Olaf Scholz a promis d’aider l’Ukraine «aussi longtemps que nécessaire», le parti d’extrême droite AfD et celui de la gauche radicale BSW sont opposés à l’envoi d’armes à Kiev et plaident pour négocier la paix avec la Russie.
Leur message est porteur dans une partie de la population et la Russie a intérêt à l’amplifier, estiment les experts.
C’est la façon dont la Russie participe «au processus de formation de l’opinion politique», estimait en novembre le chef des services allemands de renseignement, Bruno Kahl.
Attiser les clivages
Moscou instrumentalise les questions qui divisent la société allemande, comme la crise du Covid-19, le changement climatique ou les difficultés économiques, notait-il.
«Tous ces conflits sont analysés à Moscou et utilisés comme déclencheurs d’influence afin d’attiser les clivages», selon M. Kahl.
En septembre, plusieurs médias allemands ont affirmé qu’une agence liée au pouvoir russe menait une campagne de désinformation destinée à effrayer les électeurs afin d’affaiblir le soutien à l’Ukraine et de renforcer la popularité de l’AfD.
À grand renfort de mèmes sur le net, de caricatures sur Facebook, X, Telegram et Instagram, cette agence, baptisée Social Design Agency (SDA), répandait depuis au moins deux ans de fausses informations, selon l’enquête.
La campagne était «contrôlée directement par le Kremlin», affirment les médias Süddeutsche Zeitung et les chaînes de radiotélévision publiques WDR et NDR, citant des documents internes d’une entreprise basée à Moscou.
La SDA est également soupçonnée d’être impliquée dans la campagne au long cours baptisée «Doppelgänger» (sosie en allemand), repérée dès 2022, où de faux articles imitant le style et la mise en page de grands médias, généralement occidentaux, diffusent des récits prorusses. Des médias allemands réputés ont été visés.
Manipulation via l’IA
L’Allemagne a également vu se multiplier les affirmations diffusées en ligne pour saper la confiance dans le processus de vote lui-même.
Lors des élections européennes de juin, la cellule de vérification de l’AFP a enquêté sur une affirmation selon laquelle un petit trou dans les coins des bulletins de vote les rendait nuls. En réalité, ce trou sert à aider les personnes non-voyantes à voter.
L’un des messages sur le sujet, consulté des milliers de fois sur Telegram, provenait d’une chaîne qui relaie régulièrement des messages pro-Kremlin.
De nombreux articles suspects sur le net concernent le changement climatique et ciblent le parti écologiste allemand. Le chef de file des Verts aux élections de février est le ministre de l’Economie et vice-chancelier du gouvernement Scholz, Robert Habeck.
Ce dernier s’est retrouvé au centre d’une campagne diffamatoire peu après l’annonce de sa candidature à la chancellerie il y a quelques semaines.
Sous l’apparence d’une plateforme d’information, un site en ligne l’accusait de violences sexuelles à l’encontre d’une femme, se fondant sur une vidéo probablement manipulée à l’aide de l’intelligence artificielle.
«Les services secrets n’ont pas pu identifier de manière certaine l’origine de la vidéo, mais les soupçons portent sur les pouvoirs publics russes», a dit la ministre Nancy Faeser.
Les autorités allemandes ont également accusé la Russie de plusieurs cyberattaques survenues ces dernières années. L’une d’elle, commencée en 2022, a ciblé des adresses email de responsables du SPD, le parti social-démocrate d’Olaf Scholz.
En novembre, l’Office allemand des statistiques a déclaré avoir été victime d’un piratage informatique. Sa directrice Ruth Brand est également administratrice des élections fédérales. Un article de la presse suisse, non confirmé par les autorités, a attribué l’attaque à des hackers prorusses.