Le propriétaire et patron du réseau social depuis trois semaines a fait rétablir vendredi plusieurs comptes d'utilisateurs suspendus, en précisant immédiatement qu'il n'avait «pas encore pris de décision sur (Donald) Trump».
Il a ensuite lancé un sondage sur l'éventuel retour de l'ancien président américain, banni des grandes plateformes sociales après l'assaut du Capitole en janvier 2021.
Le patron de Tesla, qui défend une vision absolue de la liberté d'expression, est attendu au tournant sur ce sujet et sur la modération des contenus en général.
«La politique du nouveau Twitter, c'est la liberté d'expression, mais pas la liberté d'atteindre» le public, a-il indiqué vendredi.
«Les tweets négatifs ou haineux seront rétrogradés et démonétisés, donc il n'y aura pas de pub adossée ni d'autres revenus pour Twitter. Vous ne trouverez pas ces tweets à moins de les chercher spécifiquement, ce qui n'est pas différent du reste d'internet», a-t-il ajouté.
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La vision de l'entrepreneur libertarien pour la plateforme au coeur de la vie politique et sociale de nombreux pays inquiète beaucoup d'associations, d'autorités et d'annonceurs. Ils craignent qu'Elon Musk ne retire les garde-fous existants, aussi précaires soient-ils, contre la désinformation, le harcèlement et d'autres abus.
Ses tweets de vendredi évoquent la stratégie de YouTube, où les contenus proches des limites fixées par le règlement sont moins susceptibles d'apparaître en priorité, sans pour autant disparaître complètement.
«Modérateur des contenus en chef»Ella Irwin, sa nouvelle responsable de la sûreté du site, a partagé les clarifications du directeur général comme des «principes essentiels pour Twitter»,«qui vont nous aider à garder la plateforme saine».
Pas sûr néanmoins que cela suffise à rassurer les marques déjà parties, comme General Motors ou Pfizer.
Car Elon Musk multiplie autant les promesses (comme la création future d'un conseil de modération des contenus) que les provocations. Il a même menacé d'appeler à un boycott «thermonucléaire» des annonceurs dissidents.
Chez Twitter, plusieurs ingénieurs ont été licenciés depuis lundi après avoir remis en question le nouveau patron, sur la plateforme ou sur la messagerie interne de l'entreprise.
«Il est désormais modérateur des contenus en chef, occupé à patrouiller contre tout ce qu'il n'aime pas», commente Sarah Roberts, professeure spécialiste des réseaux sociaux à l'université UCLA.
Vendredi, comme pour prouver sa neutralité, Elon Musk a rétabli des comptes de bords politiques opposés.
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L'humoriste Kathy Griffin a ainsi été réintégrée. Elle comptait deux millions d'abonnés avant d'être suspendue la semaine dernière après avoir, comme d'autres internautes, changé son nom d'utilisateur en «Elon Musk» pour se moquer du patron.
«Les comptes Twitter qui se font passer pour quelqu'un d'autre, sans spécifier clairement qu'il s'agit d'une parodie, seront suspendus de façon permanente», avait indiqué Elon Musk.
«The Babylon Bee», un site satirique américain, et Jordan Peterson, une personnalité médiatique conservatrice, ont aussi fêté leur retour. Ils avaient été suspendus en mars et en août pour infraction au règlement sur les propos haineux -- les deux s'étaient moqués de personnalités transgenres.
«L'internet d'Apple et Google»Yoel Roth, l'ancien responsable de la sûreté de Twitter, a noté vendredi dans un éditorial publié par le New York Times que le retour de Donald Trump sur le site était une «quasi certitude».
La semaine dernière, Yoel Roth défendait encore les décisions du multimilliardaire, faisant par exemple valoir que les équipes de modération des contenus avaient en bonne partie été épargnées lors du licenciement de la moitié des salariés du groupe.
Il a ensuite démissionné par rejet des méthodes d'Elon Musk, qui «définit les règlements de Twitter à coup de décrets unilatéraux», a-t-il expliqué.
Il a averti que le directeur général n'avait pas du tout réussi à «convaincre les annonceurs», un problème majeur pour le modèle économique de Twitter.
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Même s'il diversifie les sources de revenus, Elon Musk va avoir du mal à mettre en place sa vision de liberté d'expression face aux régulateurs américains, européens et indiens, prêts à en découdre si la plateforme ne respecte pas leurs lois.
Mais surtout, note Yoel Roth, Elon Musk sous-estime le pouvoir d'Apple et Google, qui contrôlent les deux principaux systèmes d'exploitation mobile dans le monde, iOS et Android.
Les deux géants peuvent bannir toute application qui ne respecte pas leurs règles sur les contenus, souvent assez vagues, avec des conséquences «catastrophiques» pour ladite application, a détaillé l'ancien responsable.
"Twitter va devoir trouver l'équilibre entre les objectifs du nouveau propriétaire et les réalités concrètes de la vie sur l'internet d'Apple et Google», a-t-il résumé.