Samedi 4 novembre, quelques heures après la création d'une commission de lutte contre la corruption dont il a pris la tête, l'Arabie a assisté à l'arrestation de 11 princes et de dizaines de ministres actuels ou anciens, ainsi qu'au limogeage de puissants responsables militaires, une purge sans précédent.
Ces derniers mois, celui que l'on surnomme "MBS" a lancé plusieurs chantiers de réformes qui marquent le plus grand bouleversement culturel et économique de l'histoire moderne du royaume, dont la moitié de la population (31 millions) a moins de 25 ans.
Attaché à desserrer le carcan des milieux religieux sur la société, il promettait fin octobre une Arabie "modérée", pratiquant un islam "tolérant et ouvert". Cette vision, qui pourrait déclencher une opposition des conservateurs, a connu un début de concrétisation: les femmes ont obtenu en septembre le droit de conduire, une décision historique dont il est considéré comme l'inspirateur. Les cinémas vont bientôt ouvrir et des Saoudiennes ont célébré la fête nationale mêlées aux hommes. Du jamais vu.
Cet assouplissement n'aurait pas été possible, selon des experts, sans l'arrestation en septembre de dizaines de religieux et d'intellectuels. Des mesures perçues comme une démonstration de force du prince Mohammed pour renforcer son emprise politique, mais dénoncées par des organisations de défense des droits de l'Homme.
Il a réussi à avoir "un pouvoir et une influence extraordinaires en très peu de temps", note Frederic Wehrey, de l'institut Carnegie Endowment for International Peace à Washington. Un diplomate occidental confirme sa "forte influence" sur son père, le roi Salmane, 81 ans.
D'abord nommé vice-prince héritier le 29 avril 2015, le jeune prince a été l'inspirateur d'un vaste programme de réformes économiques de son pays, certes le premier exportateur du pétrole, mais trop dépendant de cette ressource. Baptisé "Vision 2030", ce plan a transgressé un tabou en proposant de vendre en bourse moins de 5% du géant pétrolier Aramco et de se doter aussi d'un fonds souverain de 2.000 milliards de dollars (1.777 milliards d'euros), le plus grand du monde.
Né le 31 août 1985, l'homme à la barbe noire et à la calvitie naissante travaille 16 heures par jour et dit que sa mère l'a élevé strictement. Ayant la réputation d'un réformateur pressé, Mohammed ben Salmane était second dans l'ordre de succession, position qu'il avait décrochée avec une série de responsabilités économiques et militaires lorsque son père a accédé au trône en janvier 2015.
Devenu prince héritier, il cumule aussi les postes de vice-Premier ministre, ministre de la Défense, conseiller spécial du souverain et, surtout, il préside le Conseil des affaires économiques et de développement, organe qui supervise Saudi Aramco, première compagnie productrice de pétrole au monde.
En tant que ministre de la Défense, Mohammed ben Salmane a supervisé les opérations militaires lancées au Yémen par Riyad, qui a pris la tête en mars 2015 d'une coalition de pays arabes et islamiques pour combattre des rebelles chiites, accusés de liens avec l'Iran.
Sous le roi Salmane, le royaume a adopté une politique étrangère plus offensive et une posture plus visible, n'hésitant pas à "se frotter" à l'allié américain, notamment après l'accord nucléaire avec l'Iran. La crise frontale avec le Qatar, accusé de soutien au "terrorisme" et mis au ban par Riyad et plusieurs de ses alliés, démontre cette nouvelle politique.
Diplômé de droit de la King Saud University, "MBS" est père de deux garçons et de deux filles, et n'est pas partisan de la polygamie en vigueur dans son pays. "Il a la réputation d'être agressif et ambitieux", a déclaré Bruce Riedel, ancien officier de la CIA qui dirige le Brookings Intelligence Project à Washington.
Il était devenu en 2009 conseiller spécial de son père, qui était à l'époque gouverneur de Riyad, avant de diriger le cabinet princier en 2013 quand son père est devenu prince héritier. En avril 2014, Mohammed ben Salmane était devenu secrétaire d'État et membre du gouvernement, avant sa nomination comme ministre de la Défense et chef du cabinet royal le 23 janvier 2015, jour où son père a succédé au roi Abdallah, mort à 90 ans.