Le Forum économique mondial, qui réunit jusqu'à ce vendredi l'élite économique mondiale dans une station de ski en Suisse, "a lieu quelques mois après l'une des plus atroces exactions jamais commises contre la communauté des journalistes", relève Kumi Naidoo, activiste de la société civile, dans une interview à l'AFP.
Bien que totalement dédouané par les autorités saoudiennes, le prince héritier Mohammed ben Salmane cristallise la réprobation internationale depuis le meurtre. Cette méfiance s'est notamment manifestée par les annulations des PDG qui devaient assister en octobre à une grande conférence économique en Arabie Saoudite.
Ce rendez-vous avait d'ailleurs été surnommé "Davos du désert" par certains journaux, bien qu'il n'ait absolument aucune relation avec les organisateurs du Forum économique mondial se tenant tous les ans en Suisse.
Lire aussi : Livre. De nouvelles (et sordides) révélations sur le meurtre de Khashoggi
Dans les rues verglacées de Davos, pas trace de désert, en effet, mais pas trace non plus d'une hostilité palpable des milieux d'affaires envers les représentants de la monarchie pétrolière. "Une délégation officielle d'Arabie Saoudite comprenant cinq ministres est ici, engagée dans un dialogue sur des questions globales, régionales et industrielles", a dit un porte-parole de l'organisation du Forum à l'AFP. Le patron du géant pétrolier Saudi Aramco est aussi du voyage.
L'Arabie Saoudite a placardé dans tout Davos de grandes affiches appelant à investir dans son économie "tournée vers le futur". Ses ministres des Finances et de l'Economie ont eux participé jeudi à une discussion avec de grands noms de l'économie mondiale, dont les patrons de la banque américaine Morgan Stanley et du géant pétrolier français Total.
Ce dernier a déclaré que le meurtre était "bien sûr inacceptable ... mais tournons-nous vers l'avenir de manière plus positive".
Lire aussi : Retro 2018. Maroc-Arabie saoudite: l'année de toutes les crises (inavouées)
Le président suisse Ueli Maurer, qui a rencontré le ministre des Finances Mohammed Al-Jadaan à Davos, a affirmé à l'agence de presse suisse SDA: "Cela fait longtemps que nous avons mis le meurtre de Khashoggi derrière nous... Nous sommes d'accord pour continuer notre dialogue financier et normaliser nos relations".
Mais pas question pour les activistes de mettre cette affaire "derrière" eux. "Nous ne pouvons pas laisser faire une culture de l'impunité", explique Naidoo. "Quand des institutions comme le Forum économique mondial se taisent, elles deviennent complices." Kenneth Roth, chef de Human Rights Watch, a souligné auprès de l'AFP que l'affaire Khashoggi n'était "pas un sujet de conversation répandu dans les couloirs de Davos."
"C'est typique de la part du Forum de ne pas en faire un sujet officiel de discussion", a-t-il ajouté, tout en voulant croire que le sujet n'allait "pas disparaître". Roth et Naidoo ont toutefois été invités par le Forum économique mondial à participer cette année à des conférences sur la liberté de la presse, avec notamment le fils de la journaliste Daphne Caruana Galizia, tuée à Malte.
L'une d'elles était intitulée "La liberté de la presse en crise", et l'autre "S'exprimer sous la menace".