Offensive turque en Syrie: Erdogan refuse toute trêve, avant une visite du vice-président US Mike Pence

Les forces turques tirent un missile vers la ville syrienne de Ras al-Aïn, depuis le territoire turc frontalier, le mardi 15 octobre 2019. 

Les forces turques tirent un missile vers la ville syrienne de Ras al-Aïn, depuis le territoire turc frontalier, le mardi 15 octobre 2019.  . DR

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a rejeté la mise en place d'un cessez-le-feu en Syrie réclamé avec force par les Etats-Unis, faisant monter la tension avant une visite ce mercredi du vice-président américain.

Le 16/10/2019 à 10h16

Une semaine jour pour jour après son déclenchement, l'offensive turque contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) a déjà rebattu les cartes dans le nord de la Syrie, nouvel épicentre du conflit qui déchire ce pays depuis 2011.

A la faveur d'un accord avec les forces kurdes, le régime est en effet revenu dans des régions qui lui échappaient depuis des années et Moscou a commencé à remplir le vide laissé par le retrait des forces américaines.

Alors que le président américain Donald Trump avait dans un premier temps semblé donner son feu vert à l'opération turque, il a depuis exhorté Ankara à stopper son offensive et autorisé des sanctions contre la Turquie.

Dans ce contexte, Donald Trump a décidé de dépêcher en Turquie son vice-président Mike Pence et son secrétaire d'Etat Mike Pompeo qui doivent rencontrer jeudi M. Erdogan avec pour objectif de le convaincre de négocier une trêve avec les combattants kurdes.

Le vice-président "réaffirmera l'engagement de Donald Trump à maintenir les sanctions économiques punitives visant la Turquie tant qu'une solution n'aura pas été trouvée", a souligné la Maison Blanche hier, mardi 15 octobre. 

Mais le président turc, qui balaie depuis le début de son opération les nombreuses critiques internationales, a d'ores et déjà rejeté cette idée.

"Ils nous disent de ‘déclarer un cessez-le-feu’. Nous ne pourrons jamais déclarer un cessez-le-feu" tant que la Turquie n'aura pas chassé "l'organisation terroriste" de la frontière, a déclaré Recep Tayyip Erdogan à la presse turque hier, mardi.

En attendant, les combats continuent de faire rage. Depuis la ville frontalière turque de Ceylanpinar, on pouvait entendre mercredi matin de nombreuses détonations dans la ville de Ras al-Aïn, où les combattants kurdes tentent de repousser l'assaut des forces d'Ankara, selon une correspondante de l'AFP.

La Turquie a lancé le 9 octobre son opération, baptisée "Source de Paix", contre les YPG, un groupe soutenu par les pays occidentaux pour son rôle de premier plan dans la lutte contre l'organisation jihadiste Etat islamique (EI).

Mais Ankara considère ce groupe, qui domine une coalition arabo-kurde nommée Forces démocratiques syriennes (FDS), comme une "organisation terroriste" pour ses liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui livre une sanglante guérilla en Turquie.

Pour contrer l'offensive, les forces kurdes ont appelé à la rescousse Damas, qui a déployé des troupes dans le nord du pays, notamment à Minbej et à Ras al-Aïn, où deux soldats du régime ont été tués mardi soir par des tirs d'artillerie des rebelles proturcs, selon une ONG, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

D'après l'OSDH, l'armée syrienne et les combattants kurdes affrontaient ensemble les rebelles soutenus par Ankara dans de violents combats mercredi à Aïn Issa.

Alors que le déploiement des forces du régime soutenu par Moscou pose un risque d'affrontement d'envergure avec les militaires turcs et leurs supplétifs syriens, le président russe Vladimir Poutine a invité Recep Tayyip Erdogan en Russie, a annoncé le Kremlin hier, mardi.

La police militaire russe mène "des patrouilles le long de la ligne de contact" entre les forces syriennes et turques dans le secteur de Minbej, selon Moscou.

Le président turc a dénoncé hier, mardi 15 octobre, le "sale marché" conclu entre les forces kurdes et le régime d'Assad, tout en estimant que l'entrée des forces de Damas à Minbej n'était pas un développement "très, très négatif".

L'objectif affiché de l'opération turque est la création d'une "zone de sécurité" de 32 km de profondeur le long de sa frontière, qui permettrait de séparer celle-ci des zones YPG et de rapatrier une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens installés en Turquie.

En sept jours, 71 civils, 158 combattants des FDS ainsi que 128 combattants proturcs ont été tués, d'après l'OSDH. Ankara a déploré la mort de six soldats en Syrie ainsi que de 20 civils par des tirs de roquettes des combattants kurdes sur des villes turques.

De plus, l'offensive a provoqué l'exode de 160.000 personnes dans le nord de la Syrie, d'après l'ONU.

Par ailleurs, plusieurs pays européens ont dit craindre la fuite massive de jihadistes de l'EI détenus par les Kurdes à la faveur de cet assaut.

Mais le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian a déclaré mercredi que les camps où sont détenus des jihadistes n'étaient pas "à l'heure actuelle" menacés.

Le 16/10/2019 à 10h16