Il ne reste a priori qu’une journée si le calendrier et la date butoir du 10 mai sont respectés, après deux ans de discussions et de marchandages acharnés.
Le souvenir des millions de morts, de la souffrance, des injustices et des immenses dégâts économiques de la pandémie de la Covid-19, qui avait incité les 194 pays membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à se lancer dans l’aventure, s’estompe.
Et de profondes divergences sont rapidement apparues sur ce que prévenir et combattre les pandémies veut dire. Les lignes de fracture n’étaient toujours pas comblées à l’aube de la dernière journée de pourparlers.
Le patron de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, se veut pourtant optimiste quant à la conclusion d’un accord qui serait formellement adopté lors du rassemblement annuel des pays membres de l’OMS, qui se déroule du 27 mai au 1er juin à Genève.
«Je suis encouragé par le fait que les 194 États membres sont fermement engagés à finaliser l’accord à temps pour l’Assemblée mondiale de la santé», a-t-il déclaré mercredi.
Lire aussi : OMS: la pollution à Casablanca, trois fois supérieure à la norme
«Ils travaillent de longues heures pour trouver un terrain d’entente, de bonne foi, pour les peuples du monde». Les négociateurs s’étaient accordé quinze jours supplémentaires de pourparlers, qui ont repris le 29 avril au siège de l’OMS à Genève.
Demande d’équité
Les ONG, qui suivent les négociations sur place, craignent que la volonté d’afficher un résultat par les pays, qui ont beaucoup investi dans le processus, ne l’emporte sur celle d’arriver à de véritables progrès.
«Nous leur disons: ne soyez pas sous pression pour céder sur l’équité parce que vous avez besoin de fournir un accord», explique K. M. Gopakumar, chercheur principal à l’ONG Third World Network.
«Faire des compromis juste pour pouvoir faire une photo de famille serait une trahison des aspirations des gens et de leur droit à la santé», souligne-t-il.
Chaque nuance compte. Le projet d’accord proposait de donner à l’OMS un accès en temps réel à 20% de la production de produits de santé liés à une pandémie, tels que les vaccins, mais certains pays -notamment des producteurs de ces produits- jugent ce seuil trop élevé.
Pour Pedro Villardi, coordinateur équité en matière de santé pour l’Internationale des services publics (ISP), le personnel de santé qui se trouve au contact des malades doit par ailleurs être correctement protégé par le texte.
Sinon, «la vie des travailleurs que nous représentons au sein de l’ISP sera de nouveau en jeu» lors de la prochaine pandémie, comme durant la Covid-19, insiste-t-il, jugeant en outre «scandaleux» qu’il soit très difficile d’inclure une référence à la santé mentale des soignants dans le texte final.
D’autres différends majeurs concernent l’accès aux agents pathogènes à des fins de recherche et plus généralement aux moyens de produire tests, traitements et vaccins, outre leur distribution équitable.
L’Afrique a ainsi par exemple été «fortement marginalisée» dans ces domaines lors de la dernière pandémie, a rappelé Lauren Paremoer, membre de l’ONG People’s Health Movement et enseignante à l’Université du Cap en Afrique du Sud.
«Le traité tel qu’il est ne corrigera rien de tout cela», estime la chercheuse, qui souligne qu’en l’état une grande partie du texte sur le transfert de technologie vers les pays en développement n’était pas contraignant.
«Le traité impose de nouvelles et très lourdes obligations de surveillance (des agents pathogènes) aux pays africains, sans aucune promesse claire quant à la mise à disposition de fonds», a encore déploré Lauren Paremoer.