Duterte, maire de cette ville de deux millions d'habitants pendant près de deux décennies, s'y trouvait ce vendredi mais pas à proximité des lieux de l'attaque, selon son entourage. L'enquête sera traitée comme "une affaire de terrorisme", a immédiatement déclaré le chef de l''Etat après s'être rendu sur le site de l'attentat, samedi matin, avant d'annoncer plus de pouvoirs pour l'armée.
Un peu plus tard, sa fille Sara Duterte, actuelle maire de la ville, a indiqué que "le cabinet du président" avait "confirmé qu'il s'agit de représailles d'Abou Sayyaf", un groupe islamiste qui a fait allégeance à Daech.
Dans un premier temps, le président avait évoqué deux groupes islamistes et des trafiquants de drogue comme possibles coupables. Le ministre de la Défense, Delfin Lorenzana, a également mis l'attaque sur le compte d'Abou Sayyaf.
"Personne n'a encore revendiqué cet acte, mais nous ne pouvons que conclure qu'il a été commis par le groupe terroriste Abou Sayyaf qui a encaissé de nombreuses pertes à Jolo au cours des dernières semaines", a-t-il dit.
Dans la foulée, le président a décrété l'"Etat de non-droit" sur l'ensemble de l'archipel philippin, ce qui, selon ses conseillers, confère plus de pouvoirs à l'armée pour mener des opérations de maintien de l'ordre normalement dévolues à la police.
Le président, qui devait partir dimanche pour sa première tournée à l'étranger depuis son élection, en a annulé la première étape, Brunei. Il devrait toutefois se rendre comme prévu à partir de mardi au Laos, pour un Sommet régional, puis en Indonésie.
L'explosion a eu lieu peu avant 23H00 locales (15H00 GMT) dans un marché animé où les gens dînaient, à proximité d'un hôtel prisé des touristes et des hommes d'affaires, qui n'a pas été touché. "Nous avons retrouvé des éclats provenant d'un engin explosif improvisé", a déclaré un porte-parole de la présidence, Martin Andanar, à la radio DZMM. Quatorze personnes ont été tuées et soixante-sept blessées, selon un nouveau bilan fourni par la police.
Près des lieux de l'explosion, des corps étaient mêlés aux débris de tables en plastique et de chaises. "La force de l'explosion était telle que j'ai été arraché du sol", a raconté Adrian Abilanosa, dont le cousin a été tué, à l'AFP.
Représailles ? Par le passé, Davao a été le théâtre d'attentats meurtriers commis par des activistes islamistes ou des rebelles communistes. Davao se situe sur l'île méridionale de Mindanao où des séparatistes musulmans mènent depuis des décennies une rébellion armée qui a fait plus de 120.000 morts.
Les rebelles communistes, en lutte armée également depuis 1968, sont présents dans les zones rurales près de Davao. Depuis son arrivée au pouvoir en juin, le président Duterte a lancé des pourparlers de paix avec les communistes. La rébellion et le gouvernement sont convenus la semaine dernière de prolonger indéfiniment la trêve décrétée en vue de ces négociations.
Il a également ouvert ces dernières semaines des discussions de paix avec deux des principaux groupes rebelles musulmans, dont le Front Moro islamique de libération (MILF). En revanche, il a déclenché une offensive militaire contre le groupe islamiste Abou Sayyaf, créé au début des années 90, qui a fait allégeance à Daech
Quinze soldats ont été tués lundi dans des affrontements avec Abou Sayyaf sur l'île de Jolo, l'un des principaux fief du groupe islamiste, à 900 km de Davao. D'ailleurs, lorsque les journalistes l'ont interrogé samedi sur les auteurs de l'attentat, Duterte a expliqué que les autorités s'attendaient à d'éventuelles actions d'Abou Sayyaf en représailles à cette offensive.
Concernant la piste des trafiquants de drogue, Duterte a été élu président sur un programme ultrasécuritaire, s'engageant à mettre fin, en six mois ,au trafic de drogue en faisant abattre des milliers de trafiquants de drogue présumés. La guerre contre la drogue a déjà fait près de 2.000 morts.
A la tête de la ville jusqu'à son élection, Rodrigo Duterte était parvenu à instaurer une paix relative à Davao, en alliant mesures de sécurité musclées et accords locaux avec les différentes rebellions. Cependant, en 2003, un bombe de forte puissance avait dévasté l'aéroport de Davao, faisant 22 morts et 155 blessés. L'attentat avait été imputé aux séparatistes musulmans.