La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a défendu un équilibre "juste et raisonnable" entre "responsabilité et solidarité" entre les 27. "Nous devons trouver des solutions pérennes sur la migration", a-t-elle déclaré, soulignant que l'incendie du camp de Moria en était un rappel brutal.
Cinq ans après la crise de 2015, ce nouveau "Pacte européen sur la migration et l'asile" prévoit que les pays de l'UE qui ne veulent pas prendre des demandeurs d'asile en cas d'afflux devront en revanche participer au renvoi des déboutés du droit d'asile depuis le pays européen où ils sont arrivés vers leur Etat d'origine.
Une façon de contourner le refus persistant de plusieurs pays, notamment ceux du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie) d'accueillir des migrants. Et de tirer les leçons de l'échec des quotas de relocalisation décidés après 2015, pour tenter de sortir de l'impasse.
Un refus également réitéré mardi par le chancelier autrichien Sebastian Kurz, pour qui la répartition des migrants "ne marche pas".
Très attendu et plusieurs fois repoussé, ce pacte propose toutefois de mettre à l'abri des poursuites judiciaires les ONG qui sauvent des migrants en mer. Et révise le principe consistant à confier au premier pays d'entrée d'un migrant dans l'UE la responsabilité de traiter sa demande d'asile.
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Ce règlement Dublin, pilier actuel du système d'asile en Europe, n'a cessé d'alimenter les tensions entre les Vingt-Sept, en raison de la charge qu'il fait porter aux pays géographiquement en première ligne des arrivées comme la Grèce et l'Italie.
Dans la proposition de la Commission, le pays responsable de la demande pourra être celui dans lequel un migrant a un frère ou une sœur, dans lequel il a travaillé ou fait ses études. Ce sera aussi celui qui a délivré un visa à un migrant qui devra se charger de la demande d'asile.
Sinon, ces pays de première arrivée resteront chargés de la demande.
Est également prévu un processus accéléré pour écarter plus rapidement les migrants qui sont peu susceptibles d'obtenir une protection internationale.
Il s'agit selon la Commission de ceux venant des pays ayant un taux de réponse positive aux demandes d'asile inférieur à 20%, comme la Tunisie ou le Maroc. Pour ceux-là, le traitement de la demande d'asile se fait à la frontière et dans un délai de 12 semaines.
Si un pays est soumis à une "pression" migratoire, et estime ne pas pouvoir assumer la prise en charge des migrants, il peut demander l'activation d'un "mécanisme de solidarité obligatoire", qui doit être décidée par la Commission.
L'exécutif européen évalue le nombre de migrants à prendre en charge. Tous les Etats sont mis à contribution, en fonction de leur poids économique et de leur population. Mais ils ont le choix entre accueillir demandeurs d'asile, "parrainer" le renvoi dans son pays d'un migrant n'ayant pas le droit de rester dans l'UE, ou aider à la construction de centres d'accueil notamment.
En cas de "crise" similaire à celle de 2015, lorsque plus d'un million de réfugiés étaient arrivés, prenant l'Europe de court, le choix pour un Etat se réduit à prendre en charge la relocalisation des réfugiés ou le renvoi des migrants déboutés.
Mais si un pays de l'UE échoue à renvoyer des migrants dans leur pays d'origine dans les huit mois, il doit les accueillir.
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Des alternatives jugées irréalisables pour les petits pays, qui n'en ont pas les moyens, fait valoir une source européenne.
Alors que l’Alan Kurdi, le bateau de l'ONG allemande Sea-Eye, avec 133 migrants à bord, fait route vers Marseille après avoir vu ses tentatives de rejoindre les côtes italiennes échouer, un mécanisme de solidarité est aussi prévu concernant les sauvetages en mer.
Ylva Johansson rappelle que la situation est très différente de 2015, le nombre d'arrivées irrégulières dans l'UE ayant chuté en 2019 à 140.000. Et si en 2015, 90% des migrants ont eu le statut de réfugié, aujourd'hui les deux tiers n'ont pas droit à une protection internationale, fait-elle valoir, ce qui réduit le nombre de relocalisations potentielles.
Afin d'augmenter les retours vers les pays d'origine, la Commission va nommer un coordinateur, qui s'appuiera sur un réseau d'"experts" dans les Etats membres. Et va "intensifier les négociations" avec les Etats d'origine.
L'UE a actuellement 24 accords de réadmission avec des pays tiers, mais "tous ne marchent pas", commente Ylva Johansson. L'un des moyens de pression sera la publication de rapports annuels évaluant la capacité de tel ou tel pays à reprendre ses ressortissants, et qui aura des conséquences sur la délivrance de visas à ces citoyens.
"C'est un compromis entre la lâcheté et la xénophobie", fustige sur Twitter le chercheur belge François Gemenne, dénonçant "les mêmes recettes qui échouent depuis 20 ans, et la même logique d'Europe forteresse".
L'ONG Oxfam a accusé la Commission de "s'incliner devant les gouvernement anti-immigration". Pour le spécialiste des questions migratoires Yves Pascouau, la Commission "rapièce un ensemble sans véritable patron, sans structure, sans ossature".