La pratique rappelle cruellement les techniques soviétiques de l'embrigadement psychologique, que l'on croyait révolues à tout jamais. Elles sont remises au goût du jour par le régime algérien qui, anticipant une explosion sociale rendue inévitable par l'insoutenable et nouvelle cure d'austérité que le gouvernement Ouyahia se prépare à administrer au peuple algérien, a opéré une sorte de "frappe préventive" pour tenter de dissuader ses citoyens de sortir dans la rue. Voilà ce que cela a donné: des images inédites et choquantes sur la tristement célèbre décennie noire (années 90) ont été sorties tel un épouvantail et diffusées pour la première fois, sans crier gare (même pas un avertissement pour permettre aux parents d’éloigner les enfants de l’écran!), sur la chaîne de télévision publique algérienne (ENTV).
Les images insoutenables diffusées sur la télévision publique algérienne.
Sur un sinistre fond musical, dont le but est la recherche de l'émotion chez le public, les séquences diffusées sont accompagnées d'un commentaire atterrant: "ces images provoquent la chair de poule, ou peut-être vont-elles ouvrir les plaies une nouvelle fois. Cela nous rappelle une période douloureuse passée durant laquelle les Algériens ont vécu des moments terribles de sang et de destruction"!
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Les séquences, diffusées en boucle jeudi 28 et vendredi 29 septembre, sont d'une cruauté insupportable: des victimes (parmi lesquelles des enfants) affreusement déchiquetées par les attentats à l’explosif ou odieusement égorgées!
Quel message voudrait alors passer le régime algérien à son peuple? Quel prétexte aurait-il pu justifier le recours à la terreur? Qu'est ce qui peut légitimer d'exhiber les visages d'enfants, de femmes et d'hommes assassinés? Pourquoi, hic et nunc? Il semblerait qu'il y ait une circonstance atténuante à cette "thérapie de choc", pourrions-nous écrire, "odieux-visuelle": le 12e anniversaire du vote par référendum de "la Charte pour la Paix et la Réconciliation" initiée par le président Bouteflika et adoptée le 29 septembre 2005.
Vous avez bien lu: le 12e anniversaire de l'adoption de cette "Charte" controversée et vivement décriée par les familles des 250.000 victimes tragiques de la sinistre décennie de larmes et de sang, qui attendent la vérité sur ce génocide qui n'a toujours pas livré ses secrets. Le fameux "On ne sait pas qui tue qui", en vogue à l'époque, n'a toujours pas de réponse et ce n'est pas demain la veille qu'il en trouverait. Les hauts galonnés, à l'instar de l'ancien ministre de la Défense Nezaar, courent toujours... impunément!
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Mais passons, car le régime hérité par Abdelaziz Bouteflika n'est pas près de faire amende honorable. En faisant diffuser ces images atroces, il croit trouver la bonne parade pour conjurer une explosion sociale qui s'avère incontournable, voire imminente. "Si vous sortez dans la rue, on va vous égorger", semble-t-il en effet dire à son peuple réduit à la portion congrue en raison de la sévère crise financière qui secoue le pays. Ou encore: mieux vaut accepter un régime corrompu et moribond, qui a dilapidé les richesses du pays, que de revivre le cauchemar des années 90. En somme, réjouissez-vous de plus dormir la nuit sans la crainte d'être égorgé. C'est cela que le régime de Bouteflika communique aux Algériens en ordonnant de terroriser la population avec des images choquantes.
La crise algérienne est appelée à s'aggraver davantage, et le plongeon des cours de pétrole ne saurait à lui seul justifier. Le régime algérien n'a pas en effet d'autre ressource en dehors des hydrocarbures (98% des exportations et 60% des recettes de l'Etat)! Ne voyant rien venir, le président Bouteflika a dilapidé 1.000 milliards de dollars engrangés durant la fameuse "embellie financière" dont il a bénéficié dès le début de la décennie 2000! Au lieu d'investir cette somme gargantuesque dans des secteurs générateurs de richesses, il s'est jeté à fonds perdus dans le stokage d'armes et l'achat de la "paix sociale"!
Il a donc suffit du premier soubresaut pétrolier, en 2014, pour que les caisses de l'Etat fondent comme neige au soleil. Le Fonds de régulation de recettes (FRR), qui était de 200 milliards de dollars en 2014, a été réduit de moitié! Et il est appelé à tarir davantage, en raison de la dépendance totale d'Alger aux hydrocarbures.
Les indicateurs économiques sont au rouge, combinés à la vacance institutionnelle (maladie du président Bouteflika), constituent autant de facteurs d'inquiétude pour un régime qui, soucieux d'une survie improbable, cherche à conjurer une révolte populaire certaine via le recours au "chantage à la terreur" à l'encontre de son peuple. Un chantage qui a provoqué un tollé général en Algérie, autant dans les médias que sur des réseaux sociaux.