"Les rebelles ont très peu d'armes", assure un déserteur qui demande à être identifié sous le pseudonyme Ala Uddin, en évoquant les disparités d'équipement avec les soldats.
"On n'avait que des bâtons, des machettes et deux pistolets pour près de cent recrues", ajoute un autre réfugié de 27 ans, père de quatre enfants, déserteur aussi.
Pourtant, les rebelles ont réussi à coordonner des attaques contre plusieurs dizaines de postes-frontières birmans depuis le 25 août, équipés de simples machettes et couteaux.
Le bilan est de 400 morts, dont 370 "terroristes" rohingyas, selon l'armée birmane.
Ala Uddin explique avoir pourtant passé cinq mois dans un "camp d'entraînement" de l'Arakan Rohingya Salvation Army (ARSA), plus connu localement sous le nom Harakah al-Yaqin ("Mouvement de la foi" en arabe).
Le groupe dit avoir pris les armes pour défendre les droits bafoués de la minorité musulmane rohingya. Depuis des décennies, cette minorité, qui compte environ un million de personnes, est victime de discriminations en Birmanie, pays à majorité bouddhiste.
Ala Uddin a appris à poser des engins explosifs artisanaux et à tirer à l'arme automatique, avec les quelques armes en stock.
Mais au moment des attaques, il s'est retrouvé équipé d'un simple couteau, le but des rebelles étant de saisir le maximum de pistolets dans les postes de police attaqués.
"Le commandant nous a dit de ne pas avoir peur, qu'il s'agissait de défendre l'islam", explique-t-il, maigre, les yeux rougis, le T-shirt couvert de boue après avoir marché longtemps depuis son camp d'entraînement du nord de la Birmanie.
"Je leur ai dit que j'allais chercher de la nourriture dans un camp de réfugiés" au Bangladesh voisin, "et je ne suis jamais revenu", explique-t-il, tout en montant un abri de fortune construit pour sa femme et ses enfants, qu'il vient de rejoindre à Cox Bazar.
Et pourtant, les rebelles de l'ARSA, un groupe à peine connu avant sa première vague d'attaques en octobre 2016, se sont professionnalisés ces derniers mois.
Ils sont notamment devenus experts des réseaux sociaux, publiant vidéos et démentis des accusations de l'armée birmane sur leur compte Twitter officiel, @ARSA_Official.
Ils ont aussi utilisé des explosifs artisanaux pour empêcher l'envoi de renforts après les attaques de fin août.
"L'ARSA a beaucoup amélioré sa capacité de coordination des opérations, sur une plus grande échelle", comparé aux dernières grandes attaques du groupe, en octobre 2016, analyse Anthony Davis, expert des armées et rébellions en Asie.
"Et ils sont désormais capables de mobiliser des nombres bien plus importants de combattants", ajoute-t-il.
Difficile cependant d'évaluer le nombre de combattants de l'ARSA, et leur capacité à faire face à la puissante armée birmane, dotée d'un budget important (4,5% du PIB, trois fois plus que la Thaïlande voisine, au budget militaire pourtant conséquent), sur le long terme.
Un récent rapport de l'ONG International Crisis Group (ICG), basé sur des interviews avec des combattants et des commandants, évoque le financement du mouvement par de riches émigrés rohingyas installés en Arabie saoudite.
Ils ont orchestré selon ICG la montée en puissance de l'ARSA depuis les émeutes anti-musulmans de 2012 en Birmanie.
Le visage le plus connu de l'ARSA est le commandant Ata Ullah, qui apparaît sur les vidéos de revendications.
Selon ICG, il est d'une de ces familles de Rohingyas émigrés en Arabie saoudite.
Si pour l'heure l'ARSA dément tout lien avec les jihadistes internationaux, une radicalisation à venir, avec une récupération du mouvement par des groupes comme l'EI, "est des plus plausibles", selon Zachary Abuza, expert des groupes rebelles en Asie du Sud-Est.