Signe de la crise politique qui étreint le pays, le chef du gouvernement Mariano Rajoy a renoncé à participer à un sommet informel des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne vendredi à Tallinn, en Estonie.
La police catalane s'est clairement inquiétée mercredi 27 septembre de la décision du Parquet de mettre sous scellés des bureaux de vote mis en place par le gouvernement séparatiste de cette région du nord-est de l'Espagne, profondément divisée sur la question de l'indépendance.
Une décision qui "peut entraîner des conséquences non désirables", a prévenu la police catalane dans un message diffusé sur Twitter, alors que les tensions grandissent avant le vote interdit de dimanche.
"Ces conséquences ont trait à la sécurité citoyenne et au risque plus que prévisible d'altération de l'ordre public que cela peut engendrer", a-t-elle ajouté.
Une juge d'instruction a elle aussi demandé à la police nationale et à la garde civile d'agir, avec la police catalane, "pour empêcher jusqu'au 1er octobre l'utilisation de bâtiments publics ou locaux... pour la préparation et l'organisation du référendum", interdit par la Cour constitutionnelle.
Madrid a mobilisé ou dépêché plus de 10.000 agents des forces de l'ordre pour l'occasion selon le journal El Pais.
Pour la police régionale, comptant quelque 16.800 agents, la mission est délicate, vu sa proximité avec la population de cette région de 7,5 millions d'habitants qui représente 20% du PIB du pays. Plus de 700 mairies se sont prononcées pour le scrutin et ont décidé d'aider.
Barcelone, ville de 1,6 million d'habitants, a annoncé qu'elle laisserait les autorités régionales disposer des établissements de l'enseignement secondaire qu'ils gèrent ensemble. Et quatre autres grandes villes sur les dix principales sont prêtes à coopérer, un casse-tête pour les forces de l'ordre.
Les autorités nationales veulent "empêcher que les gens votent dans les grandes villes", réduisant ainsi au maximum le nombre de votants pour que le référendum ait le moins de légitimité possible, a expliqué à l'AFP une source judiciaire haut placée.
"C'est faisable... le problème ce sont les troubles que cela pourrait entraîner", a ajouté le porte-parole de l'association Juges pour la démocratie Ignacio Gonzalez.
D'autant que mercredi les lycéens favorables au référendum ont décidé de se mettre en grève et envisagent d'occuper les établissements qui pourraient servir de bureaux de vote.
Pour ajouter à l'agitation ambiante, un petit syndicat anarchiste, la CGT, a appelé à une grève générale à partir du 3 octobre. Les deux principales organisations syndicales (UGT et CCOO) ont pour leur part rapidement pris leurs distances.
"Voir tous ces policiers, les hélicoptères (qui survolent la ville en permanence, NDLR), ça effraye un peu. On dirait une invasion. Mais de notre côté je ne crois pas qu'il y aura de violence", confiait Marga Millet, une libraire barcelonaise de 67 ans décidée malgré tout à voter.
En dehors de Barcelone une association paysanne comptant une centaine de membres a de son côté promis de mobiliser ses tracteurs "à proximité des centres de votation pour empêcher leur fermeture ou la rendre difficile, pacifiquement, juste en les laissant là, sans plus".
Dans ce contexte tendu, le Barça, qui s'était déclaré la semaine dernière en faveur du "droit à décider", a refusé de prendre davantage position: "Ce sera une journée importante pour l'histoire de notre pays mais nous devons être focalisés sur le football", a tranché Jordi Cardoner, premier vice-président du club de football catalan.
Le président américain a appelé mardi l'Espagne à "rester unie" tandis que l'UE est restée prudente, rappelant à l'envi qu'un Etat né d'une sécession ne pouvait pas être automatiquement reconnu.
L'ex-Premier ministre français Manuel Valls, né en Catalogne et naturalisé français, a lui mis en garde mercredi contre une sécession qui serait "la fin de ce qu'est l'Europe" en tant qu'union d'Etats-nations.
Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a lui subi de nouvelles critiques pour sa gestion de la crise catalane, accusé dans un éditorial virulent d'El Pais d'avoir une attitude "qui frôle l'irresponsabilité".
L'un des plus connus des écrivains espagnols, le catalan Eduardo Mendoza, a signé mercredi une tribune où il fustige les capacités intellectuelles selon lui "limitées" du gouvernement.
La vice-présidente du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, a de son côté déploré devant le Congrès ce "moment historique sans précédent", provoqué par des "indépendantistes niant des siècles d'histoire partagée".