Mais la présidence de la République a fait savoir qu'elle n'approuvait pas ce remaniement, signe que la classe politique tunisienne reste profondément polarisée par une forte lutte pour le pouvoir, à l'approche des élections législatives et présidentielle prévues en 2019. Au total, treize nouveaux ministres entrent au gouvernement, mais la plupart des principaux ministères ne changent pas de main. Les ministres des Affaires étrangères, de la Défense, de l'Intérieur ou encore des Finances restent à leurs postes.
Le ministère de la Justice a été attribué à Karim Jamoussi, un magistrat qui a déjà brièvement été ministre. Celui du Tourisme, secteur clé de l'économie, a été confié à un dirigeant de tour opérateur de confession juive, René Trabelsi, très actif dans l'organisation du pèlerinage annuel de la Ghriba à Djerba. Kamel Morjane, qui fut avant la révolution de 2011 un pilier du régime de Zine El Abidine Ben Ali, fait son retour au gouvernement en tant que ministre chargé de la Fonction publique.
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Chahed a indiqué avoir effectué ce remaniement pour former "une équipe gouvernementale solidaire et responsable qui peut assurer la stabilité dans le pays, résoudre les questions brûlantes et sortir de la crise politique". Chahed, 43 ans, nommé chef d'un gouvernement d'union nationale en août 2016, a dépassé en longévité tous ses prédécesseurs depuis la chute de Ben Ali en 2011.
Une faction de son parti Nidaa Tounès, menée par le fils de Béji Caïd Essebsi, chef de l'Etat et fondateur du parti, ainsi que la puissante centrale syndicale UGTT ont réclamé son départ pendant des mois. Chahed a fini par créer un bloc parlementaire concurrent, qui a relégué Nidaa Tounès au troisième rang au Parlement derrière le parti d'inspiration islamiste Ennahdha et le groupe pro-Chahed.
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Avec ce remaniement, "j'ai assumé mes responsabilités en tant que chef du gouvernement et selon les prérogatives que me donne la Constitution", a-t-il déclaré à la presse, laissant entendre qu'il s'était affranchi de la tutelle présidentielle. La présidence a réagi par la voix de sa porte-parole Saïda Garrach, qui a indiqué sur la radio privée Mosaïque FM que "le président de la République n'est pas d'accord avec cette démarche (...) caractérisée par la précipitation et la politique du fait accompli".
L'instabilité politique inquiète nombre d'observateurs, la Tunisie restant fragilisée, en dépit d'une reprise de la croissance, par un chômage persistant au-dessus des 15% et une inflation dépassant les 7,5%, qui exacerbent des tensions sociales fortes, près de huit ans après la révolution.