Russie: repli des forces de Wagner, le camp Poutine miné par les «divisions» selon l’Occident

Evguéni Prigojine, chef du groupe paramilitaire Wagner, dans le quartier général du district militaire du sud de la Russie, dans la ville de Rostov-sur-le-Don, le 24 juin 2023.

Les forces du groupe Wagner se sont repliées le dimanche 25 juin en Russie, mettant un terme à la rébellion lancée par leur chef Evguéni Prigojine, qui a révélé, aux yeux des Occidentaux, «fissures» et «divisions» dans le camp de Vladimir Poutine.

Le 26/06/2023 à 06h59

Après une équipée de 24 heures qui les a menés à moins de 400 km de Moscou, les forces du groupe paramilitaire Wagner se sont repliées dimanche en Russie, au terme d’une médiation du dirigeant bélarusse Alexandre Loukachenko. Leur chef Evguéni Prigojine échappera à toute poursuite judiciaire et pourra rejoindre le Bélarus, a promis le Kremlin, sans qu’on sache dimanche quand ce départ aux allures d’exil est prévu.

Signe que l’urgence de la crise était passée, les combattants de Wagner ont quitté dimanche les régions de Voronej et de Lipetsk, au sud de Moscou. La veille, ils avaient quitté le QG militaire dont ils s’étaient emparés à Rostov (sud-ouest), centre névralgique des opérations russes en Ukraine.

En lançant sa mutinerie, le chef de Wagner avait promis de «libérer le peuple russe», ciblant notamment ses deux ennemis jurés, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou et le chef d’état-major Valéri Guérassimov, et contestant l’autorité du président Vladimir Poutine.

Scrutée dans toutes les chancelleries, cette crise «révèle des fissures réelles» au plus haut niveau de l’Etat russe, a estimé le secrétaire d’Etat américain dimanche. «Le fait que vous ayez quelqu’un de l’intérieur remettant en cause l’autorité de Poutine et questionnant directement les raisons pour lesquelles il a lancé cette agression de l’Ukraine, c’est en soi quelque chose de très puissant», a ajouté Antony Blinken.

«Divisions» et «fragilité»

Cette crise a été évoquée par le président américain Joe Biden et son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky lors d’un échange téléphonique, ont annoncé Kiev et Washington. Le président français Emmanuel Macron a lui aussi estimé que la rébellion de Wagner montrait «les divisions» dans le camp russe et «la fragilité à la fois de ses armées et de ses forces auxiliaires».

Affaibli aux yeux de Occidentaux, le régime russe a pu compter sur le soutien de Pékin. «En tant que voisin amical et partenaire stratégique, la Chine soutient la Russie dans ses efforts pour protéger la stabilité du pays», a déclaré le ministère chinois des Affaires étrangères. Le président serbe Aleksandar Vucic a quant à lui salué l’attitude du dirigeant russe: «Tout s’est terminé grâce à la réaction ferme du président Poutine», a-t-il déclaré selon l’agence de presse d’Etat russe Tass.

Moscou s’est également efforcé de dissiper l’idée que cette crise affectera son offensive en Ukraine. L’armée russe a affirmé dimanche avoir «repoussé avec succès» des attaques menées par les forces de Kiev dans quatre zones du front ukrainien. Dans l’Est, autour de Bakhmout, ville prise en mai par les troupes de Wagner, les soldats ukrainiens ne constataient aucun changement majeur au lendemain de la rébellion avortée.

Selon les experts, la mutinerie en Russie pourrait toutefois avoir un impact, au moins psychologique, sur le cours de la guerre dans laquelle les miliciens de Wagner ont pris une part active. «La rage de Prigojine contre l’élite pourrait se répandre au sein de l’armée russe», a estimé Lucian Kim, du Centre de réflexion américain Wilson.

Jeu dangereux

Le Kremlin a cherché à éviter ce scénario en promettant également l’impunité aux mercenaires de Wagner ayant participé à la rébellion, faisant preuve d’une très inhabituelle mansuétude. Si les termes du compromis entre le Kremlin et le chef de Wagner restent sujet à spéculations, le président bélarusse a joué un rôle-clé.

Il a ainsi remporté une victoire de prestige mais pourrait en regretter le prix en voyant arriver chez lui l’encombrant chef de Wagner, selon des analystes. Le président lituanien Gitanas Nauseda a réagi dimanche en affirmant que l’Otan devra «renforcer» son flanc Est si Evguéni Prigojine faisait bien son arrivée au Bélarus.

Par Le360 (avec AFP)
Le 26/06/2023 à 06h59