L’audience avait été suspendue fin 2015 après 52 jours d’audition qui ont vu plus de 90 témoins (principalement à charge) se succéder à la barre. D’après le calendrier de l’audience, ce seront d’abord les avocats des parties civiles qui feront leurs plaidoiries les 8 et 9 février. Ensuite, le parquet général fera son réquisitoire le 10 février. Enfin, les avocats, commis d’office pour la défense de l’ancien président tchadien, plaideront le 11 et, probablement, le 12 février.
Mais avant ces échéances, les «vrais» avocats de Habré (ceux qu’il s’était choisis lui-même avant de les interdire de le représenter durant le procès conformément à sa stratégie de boycott) ont annoncé la couleur.
A travers un document de 29 pages repris par la presse sénégalaise, ce matin, Me François Serres demande à l’opinion nationale et internationale, aux associations de la société civile, aux intellectuels sénégalais et africains, à la communauté africaine des juristes, à l’ensemble des citoyens «d’intervenir auprès des autorités sénégalaises, à l’effet que cesse cette mascarade judiciaire et que le président Habré retrouve la liberté».
Me Serres continue de dénoncer le «caractère illégitime et illégal» des Chambres africaines extraordinaires (CAE) chargées de juger l’ex-président tchadien. «La procédure d’instruction et celle d’audience, toutes parfaitement inéquitables et iniques, n’ont laissé aucune place pour la conduite d’une défense respectueuse des droits de l’accusé et de ses avocats», dénonce l’avocat français.
Pour les autorités sénégalaises et les associations de défense des droits des victimes, ce procès est qualifié d’«historique». Dans un communiqué, le conseiller juridique de l’ONG américaine Human Rights Watch, Reed Brody, estime que «le procès Hissein Habré est le résultat de 25 années d’une détermination infatigable de la part des victimes».
Il marque aussi «un tournant dans la lutte contre l’impunité des puissants pour les crimes les plus graves», déclare Reed Brody. Selon lui, le procès a été marqué par «le courage des survivants qui ont livré des témoignages bouleversants sur la torture, les viols, l’esclavage sexuel, les massacres et la destruction de villages entiers».
Me Serres qui parle, lui, de «faux témoins» et de «fabrication de preuves», voit une «machination» orchestrée par Idriss Déby [l’actuel président tchadien et ancien ministre de la Défense de Habré] et des puissances étrangères pour condamner son client.
Ayant dirigé le Tchad entre 1982 et 1990, Hissein Habré est jugé depuis le 20 juillet 2015 devant les CAE, à Dakar, pour «crimes de guerre, crimes contre l’humanité et tortures». Le verdict est attendu en juin 2016.