"L'heure est venue de quitter l'accord de Paris", a lancé le président américain jeudi dans les jardins de la Maison Blanche dans un long discours - parfois confus - au cours duquel il a par moment retrouvé les accents de sa campagne électorale. Les réactions ont fusé des quatre coins de la planète - dans la sphère politique mais aussi économique - entre stupeur, colère et effarement.
De New York à la Californie, plusieurs dizaines de villes et d'Etats américains ont immédiatement organisé la résistance, promettant qu'au niveau local, l'Amérique continuerait d'avancer vers une économie verte."J'ai été élu pour représenter les habitants de Pittsburgh, pas de Paris", a lancé le président Trump, qui a mis en avant la défense des emplois américains et dénoncé un accord "très injuste" pour son pays.
Lire aussi : Trump: au diable les accords sur le climat, America first
L'accord de Paris, conclu fin 2015 et dont son prédécesseur démocrate Barack Obama fut l'un des principaux architectes, vise à contenir la hausse de la température moyenne mondiale "bien en deçà" de 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle. Les Etats-Unis sont le deuxième émetteur mondial de gaz à effet de serre, derrière la Chine.
La décision de jeudi va au-delà de la question climatique. Elle donne une indication sur le rôle que les Etats-Unis sous la direction de Donald Trump entendent jouer sur la scène internationale dans les années à venir. Et elle pourrait donner encore plus de poids à la Chine, qui s'est peu à peu imposée comme un pays leader de la "diplomatie climat".
Affichant sa volonté de négocier un "nouvel accord" ou de renégocier l'accord existant, Donald Trump, élu sur la promesse de "L'Amérique d'abord", est resté extrêmement évasif sur les engagements que les Etats-Unis seraient prêts à prendre.
- 'Make our planet great again' -La réponse des Européens, tranchante, ne s'est pas fait attendre: s'ils "regrettent" cette décision, Berlin, Paris et Rome ont souligné, dans un communiqué commun, que l'accord ne pouvait en aucun cas être renégocié. "L'accord de Paris durera. Le monde peut continuer à compter sur l'Europe", a martelé le commissaire européen à l'Action pour le climat, Miguel Arias Canete.
Jugeant que Trump avait commis "une erreur" pour les intérêts de son pays et "une faute" pour l'avenir de la planète, le président français Emmanuel Macron a appelé les scientifiques, ingénieurs et entrepreneurs américains à venir travailler en France sur "des solutions concrètes" pour le climat. A l'offensive, passant à l'anglais, il a souligné la responsabilité commune de tous les pays: "Make our planet great again", a-t-il lancé, dans une paraphrase du slogan de Donald Trump ("Make America great again").
Lire aussi : Climat: à cause de Trump, les puissants de ce monde divisés sur l'accord de Paris
Le Français Laurent Fabius, qui avait présidé la COP21, a dénoncé "une faute honteuse et une erreur majeure", soutenue par "un lot de mensonges". Le Premier ministre danois Lars Lokke Rasmussen a déploré une "triste journée pour le monde". Barack Obama a amèrement regretté cet arbitrage.
"J'estime que les Etats-Unis devraient se trouver à l'avant-garde. Mais même en l'absence de leadership américain; même si cette administration se joint à une petite poignée de pays qui rejettent l'avenir; je suis certain que nos Etats, villes et entreprises seront à la hauteur et en feront encore plus pour protéger notre planète pour les générations futures".
- Revers pour le leadership américain -De même, de nombreuses figures du monde économique ont fait part de leur déception, et ont insisté sur l'urgence d'agir face au réchauffement. Le patron de GE, Jeff Immelt, s'est dit "déçu". "Le changement climatique est une réalité. L'industrie doit montrer l'exemple et ne pas être dépendante du gouvernement".
Elon Musk, le très médiatique PDG du constructeur de voitures électriques Tesla et ardent défenseur des énergies renouvelables, a immédiatement annoncé qu'il quittait les différents cénacles de grands patrons conseillant Donald Trump. "Le changement climatique est réel. Quitter Paris n'est pas bon pour l'Amérique et le monde" a-t-il tweeté. Bob Iger, le PDG de Disney, lui a emboîté le pas.
Lloyd Blankfein, le PDG de la banque d'affaires Goldman Sachs, a jugé que le retrait des Etats-Unis était un "revers" pour l'environnement et "pour le leadership des Etats-Unis dans le monde". Quelques centaines de personnes se sont rassemblées devant la Maison Blanche pour dire leur colère.
"Il ne comprend pas la science, il va nous faire revenir plusieurs années en arrière", tempêtait Rebecca Regan-Sachs, 34 ans, brandissant un panneau sur lequel on pouvait lire: "Message au reste du monde: nous sommes désolés, la plupart d'entre nous ont voté contre cet idiot". Trump a obtenu moins de voix que son adversaire démocrate Hillary Clinton mais l'a battue au nombre des grands électeurs.
L'objectif des Etats-Unis, fixé par l'administration Obama, était une réduction de 26% à 28% de leurs émissions de gaz à effet de serre d'ici 2025 par rapport à 2005. Concrètement, le 45e président des Etats-Unis devrait invoquer l'article 28 de l'accord de Paris, qui permet aux signataires d'en sortir. En raison de la procédure prévue, cette sortie ne deviendra effective qu'en 2020. Cependant, a pris soin de préciser Trump, les Etats-Unis cessent "dès aujourd'hui" son application.
Au-delà de la secousse que représente cette annonce, l'inquiétude est réelle concernant les financements, tant pour la Convention climat de l'ONU (23% du budget apportés par les Américains) et l'aide internationale aux pays les plus pauvres, à l'instar du Fonds vert.