La perle de la mer d'Andaman (sud), ravagée par le tsunami de 2004, s'est métamorphosée pour accueillir un tourisme de masse. Elle est aujourd'hui la deuxième destination du pays après Bangkok et les Chinois figurent à la première place des visiteurs étrangers.
2,2 millions d'entre eux se sont entassés en 2018 dans les innombrables hôtels de l'île, attirés par la nature et l'intense vie nocturne.
2019 pourrait marquer un essoufflement. "On a eu 1,4 million de visiteurs chinois sur les huit premiers mois de l'année, soit une baisse de plus de 18% par rapport à la même période l'année dernière", relève à l'AFP Kongsak Khoopongsakorn, vice-président de l'association des hôtels de Thaïlande.
Le sujet reste sensible dans le pays où le tourisme représente plus de 18% du PIB et où certains lieux comme Phuket en tirent la très grande majorité de leurs revenus.
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Mais chez les professionnels, le constat est unanime.
"D'habitude, les Chinois étaient présents même en saison basse, on remplissait nos hôtels. Cela a été moins le cas cette année", déplore Claude de Crissey, consul honoraire de France à Phuket et propriétaire d'un établissement d'une quarantaine de chambres. "Nous avons baissé nos prix de 30 à 50%".
Près de la plage de Patong, haut-lieu de la vie nocturne, les bars à bière, go-go bars et salons de massages font grise mine.
"Les filles s'ennuient, les pourboires ne sont pas gros", déplore Poan, manager d'un bar tandis que trois danseuses se déplacent sans conviction au milieu de tables vides.
Les Chinois boudent l'île depuis le naufrage d'un bateau qui a tué 47 de leurs ressortissants en juillet 2018 à Phuket.
La guerre commerciale entre Washington et Pékin les incite aussi à moins voyager, tandis que le taux de change est moins favorable, le bath thaïlandais ne cessant de s'apprécier face au yuan.
"Cela représente vite 10% de pouvoir d'achat en moins", commente Claude de Crissey.
Conséquence: les tours opérateurs chinois, qui appâtaient les clients à Phuket avec des séjours à des prix défiants toute concurrence, ont augmenté leurs tarifs pour s'assurer encore des bénéfices. Et les Chinois moins argentés, voyageant par dizaines dans d'immenses autocars, ont déserté.
Face à cela, l'île, qui souffre aussi de la concurrence du Vietnam ou du Cambodge, a peut-être vu trop grand.
Les capacités d'accueil ne cessent de flamber. D'après Bhummikitti Ruktaengam, président de la Phuket Tourism association, on compte aujourd'hui 150.000 hébergements sur l'île, soit près de deux fois plus que la capacité hôtelière de Paris intra-muros. 3.000 chambres supplémentaires sont en construction.
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"Sur le plan des affaires, ce n'est pas bon (...) Comment les remplir si le nombre de visiteurs est en déclin?", s'inquiète Kongsak Khoopongsakorn, également directeur du Vijitt Resort, un complexe de villas haut de gamme bradées actuellement à moins 70%. "Nous comptons sur les Indiens pour nous relancer".
Multiplication des vols directs, exemption de visas, expansion rapide de la classe moyenne: les arrivées en Thaïlande en provenance d'Inde ont bondi de 25% sur un an sur les sept premiers mois de 2019. Et 10 millions d'Indiens devraient affluer dans le royaume chaque année d'ici 2028.
Une bonne nouvelle pour le pays car ils dépensent plus que la moyenne, d'après des experts du secteur, et consomment beaucoup plus que les Chinois, baptisés par les locaux "touristes zéro dollar" car ils se déplacent en circuit fermé.
Les Russes et les ressortissants du monde arabe devraient aussi être très présents cette année à Phuket, tandis que le marché européen reste incertain à cause des inquiétudes liées au Brexit.
Au final, les autorités restent optimistes. "Nous devrions atteindre notre objectif de 39,8 millions de visiteurs étrangers" cette année sur l'ensemble de la Thaïlande, assure Yuthasak Supasorn, président de l'autorité thaïlandaise du tourisme. Soit une faible progression par rapport à 2018 loin des fortes augmentations des années précédentes.
Le baht fort "n'affecte pas le nombre de touristes étrangers mais les dépenses qu'ils vont effectuer", ajoute-t-il. Le pays devrait concentrer ses efforts sur les voyageurs plus aisés, moins pénalisés par l'appréciation de la monnaie, et les séjours plus écolo.