Thalys: Ayoub El Khazzani "surpris" par l'ampleur de l'affaire

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Ayoub El Khazzani, l'auteur de la tentative de fusillade dans un train Thalys vendredi, assure avoir voulu braquer le TGV et nie être "un terroriste”. Les enquêteurs ont confirmé son appartenance à la "mouvance islamiste radicale", il est toujours auditionné par la DGSI française.

Le 23/08/2015 à 09h58

Les enquêteurs ont établi que l'homme suspecté d'avoir ouvert le feu dans le Thalys reliant Amsterdam à Paris est bien Ayoub El Khazzani, un ressortissant marocain. Il avait été dans un premier temps signalé par les services de renseignements espagnols comme appartenant à la mouvance islamiste radicale.

Il faisait l'objet d'une fiche S, "sûreté de l'Etat", qui vise les personnes ayant notamment des liens avec le terrorisme mais qui ne sont pas forcément surveillées. Il a été maîtrisé à bord par deux Américains qui l'ont neutralisé. Interpellé peu après 18 heures et mis en garde à vue au commissariat d'Arras, il a été transféré tôt samedi dans les locaux de la sous-direction antiterrorisme en région parisienne, où il est toujours interrogé. Sa garde à vue peut durer jusqu'à 96 heures.

"Rançonner les voyageurs”

En garde à vue, l'homme est resté longtemps dans un "mutisme", réfutant l'idée selon laquelle il serait un terroriste. Son avocate a expliqué au quotidien le Parisien qu'il avait trouvé un fusil Kalachnikov, son pistolet Luger et un téléphone portable dans une valise, abandonnée dans un parc, près de la gare de Bruxelles en Belgique où il avait pris l'habitude de dormir. Ayoub El Khazzani a affirmé avoir voulu commettre un braquage, il voulait "rançonner les voyageurs sous la menace de ses armes". Mais cette version des faits ne convainc pas les enquêteurs. En l'état des investigations, ce discours "ne tient pas", a indiqué une source policière à l'AFP.

Selon le journal Libération, la DGSI retrouve la trace du suspect le 10 mai 2015. Il est alors à l'aéroport de Berlin et s'enregistre, selon une source proche de l'enquête, sur un vol pour Istanbul. Par la suite, il aurait vécu en Belgique en 2015. Le quotidien belge Le Soir indique que "si son identité est confirmée, cet homme aurait été fiché par les services belges comme étant en relation avec des filières terroristes récemment démantelées en Belgique dans la foulée du démantèlement du réseau de Verviers". Le jeudi 8 janvier, au lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo à Paris, la police belge avait tué deux islamistes et arrêté un troisième, sur le point de commettre des attentats, lors d'une opération antiterroriste à Verviers, une commune considérée comme un foyer de la radicalisation islamiste.

Très actif dans les mosquées d'Algésiras

Avec sa carte de séjour, le jeune homme pouvait ainsi "se déplacer librement dans l'espace Schengen". Lors de ses différents déplacements, il avait attiré l'attention de plusieurs services de renseignement. L'Espagne d'abord, qui l'avait repéré pour "des discours durs légitimant le jihad dans des mosquées d'Algesiras", ville du sud de l'Espagne, dans la région de Gibraltar. Selon une source de l'antiterrorisme espagnol à l'AFP, le suspect avait vécu "sept ans en Espagne, d'abord à Madrid et ensuite à Algesiras, entre 2007 et mars 2014 avant de déménager en France".

"Une fois en France, il s'est déplacé en Syrie, avant de rentrer en France". Début 2014, Madrid prévient le renseignement français d'une éventuelle arrivée de El-Khazzani sur le territoire, mais l'homme n'est pas localisé. Les Français "n'entendent plus parler de rien jusqu'au 10 mai". Les autorités espagnoles indiquent alors peu après aux services français que cet homme est désormais installé en Belgique où il était "connu par nos services" selon le ministre de la Justice Koen Geens. "Il n'y avait pas d'élément matériel ou concret permettant de le localiser, de savoir à quel moment précisément il aurait peut-être résidé en Belgique. Il semblerait que c'était quelqu'un qui manifestement voyageait à l'intérieur de l'Europe", a déclaré samedi le Premier ministre belge, Charles Michel, à la télévision belge.

Sans domicile fixe

D'après Le Parisien, Ayoub El Khazzani est assisté par un traducteur marocain car même s'il comprend quelques mots de français il ne s'exprime qu'en arabe. Toujours selon le journal, il aurait confié aux enquêteurs son "extrême surprise" face à l'ampleur qu'a pris l'attaque du Thalys. "Il ne comprend pas pourquoi cette histoire a pris une telle ampleur, relate son avocate. Lui dit avoir voulu rançonner les passagers de ce Thalys et rien d'autre. Il nie toute dimension terroriste à son geste. Cela le ferait presque rigoler... ". Selon son avocate, il est sans domicile fixe depuis qu'il s'est fait voler ses papiers à Bruxelles. Il a notamment travaillé comme peintre en bâtiment en Espagne, où il a aussi été condamné à deux reprises pour trafic de drogue en 2013". "Au cours des six derniers mois, rapporte l'avocate, il raconte avoir voyagé en Espagne, à Andorre, en Belgique, en Autriche, en Allemagne et avoir fait un passage en France, mais sans préciser le lieu où il a séjourné. En revanche, il a contesté s'être rendu en Turquie et encore plus en Syrie".

Le forcené était armé d'un véritable arsenal à bord du Thalys. Une kalachnikov avec neuf chargeurs, soit une centaine de munitions, ont été retrouvés sur l'agresseur, ainsi qu'un pistolet automatique accompagné d'un chargeur et un cutter avec lequel il a blessé l'Américain Spencer Stone lorsque celui-ci le plaquait au sol pour le neutraliser.

Sa garde à vue peut durer jusqu'à 96 heures. Quatre jours durant lesquels les enquêteurs de la sous-direction antiterroriste (SDAT) et de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) vont notamment travailler à vérifier l'itinéraire du suspect et la véracité de ses propos.

Le 23/08/2015 à 09h58