Selon une estimation préliminaire, une cinquantaine de jihadistes ont attaqué lundi à l'aube une caserne de l'armée, un poste de police et un bâtiment de la garde nationale (gendarmerie) à Ben Guerdane, tout près de la Libye, a déclaré le Premier ministre Habib Essid lors d'une conférence de presse.
Le bilan définitif de ces attaques sans précédent par leur ampleur et leur niveau de préparation est de 36 extrémistes, 12 membres des forces de l'ordre et sept civils tués, selon M. Essid. L'un des policiers "a été assassiné à son domicile".
Le chef du gouvernement a précisé que, selon les données préliminaires, la majorité des assaillants tués et arrêtés étaient des Tunisiens, sans écarter la possibilité d'étrangers parmi eux.
Malgré tout, "la réaction (des forces de l'ordre) a été rapide et forte (...). Nous avons remporté une bataille mais nous sommes prêts pour les autres", a assuré M. Essid.
“Guerre totale”"Ils (les jihadistes, ndlr) ont compris que la Tunisie n’était pas facile, que ce n’était pas une promenade (de santé) d'établir un émirat à Ben Guerdane", a-t-il commenté. M. Essid avait, la veille, affirmé que le but des attaques était d'instaurer "un émirat de Daech" dans cette ville de 60.000 habitants.
Le Premier ministre a toutefois précisé que l'opération se poursuivait et appelé à la vigilance, la Tunisie étant dans "une guerre totale contre le terrorisme". Le ministère de l'Intérieur avait plus tôt indiqué à l'AFP que les forces de l'ordre ratissaient toujours la région de Ben Guerdane à la recherche d'assaillants.
Face aux interrogations sur la manière dont les jihadistes ont pu attaquer en plein centre-ville de manière simultanée, M. Essid a promis une "évaluation approfondie".
"Il y a beaucoup d'enseignements que nous allons tirer de cette attaque terroriste. Il va y avoir une évaluation approfondie de ce qui s’est passé. Et on en tirera toutes les conclusions. Il se peut qu’il y ait (eu) une défaillance à un certain niveau, au niveau des renseignements, au niveau d'autres éléments", a-t-il dit.
"C'est la guerre!" Des habitants de Ben Guerdane ont raconté que des jihadistes, dont certains se sont réclamés de Daech, s'étaient postés dans le centre-ville en demandant leur carte d'identité aux passants. Pour beaucoup, le fait que les hommes armés aient pu se déplacer avec autant d'aisance signifie qu'ils sont originaires de la région.
Le journal francophone Le Quotidien titrait d'ailleurs sur "La menace des cellules dormantes", tandis que Al Maghreb lançait en Une: "C'est la guerre!".
Le quotidien Le Temps, pour qui les attaques pourraient "marquer un tournant dans la stratégie menée par les terroristes dans notre pays", a appelé, "même si l'heure est à l'union sacrée, (...) à penser dès à présent à une autre approche dans les enquêtes aussi bien sécuritaires que judiciaires pour toute affaire à connotation terroriste".
Mardi matin, la situation était "stable" à Ben Guerdane selon les autorités. Elles ont annoncé avoir saisi d'"importantes quantités" d'armes de guerre et de munitions et un couvre-feu nocturne a été décrété dans la ville.
La Tunisie est confrontée depuis sa révolution de 2011 à l'essor d'une mouvance jihadiste responsable de la mort de dizaines de policiers et de soldats ainsi que de touristes. Ces attaques simultanées contre des installations sécuritaires interviennent moins d'une semaine après de premiers heurts armés dans cette même région, lors desquels cinq "terroristes" avaient été tués.
La Tunisie, qui compte plusieurs milliers de ressortissants dans les rangs d'organisations jihadistes à l'étranger, exprime régulièrement son inquiétude à propos de la Libye, où le chaos politique depuis la chute du dictateur Mouammar Kadhafi a permis l'essor de Daech.