«La situation la plus difficile a lieu dans le district de Korabelny de la ville de Kherson. Jusqu’à présent, le niveau de l’eau s’est élevé de 3,5 mètres, plus de 1.000 maisons sont inondées», dans cette cité reprise aux Russes par les Ukrainiens en novembre 2022, a déclaré dans un communiqué le chef de cabinet adjoint de la présidence ukrainienne, Oleksiï Kouléba. Les évacuations vont se poursuivre mercredi et dans les prochains jours par bus et par train, a-t-il dit.
«Plus de 40.000 personnes risquent d’être en zones inondées. Les autorités ukrainiennes évacuent plus de 17.000 personnes. Malheureusement, plus de 25.000 civils se trouvent sur le territoire sous contrôle russe», a annoncé mardi le procureur général ukrainien Andriï Kostine. «À ce stade, 24 localités en Ukraine ont été inondées», a précisé le ministre ukrainien de l’Intérieur, Igor Klymenko.
Les autorités installées par les Russes dans les régions qu’ils occupent ont quant à elles dit avoir commencé l’évacuation de la population de trois localités, mobilisant une cinquantaine de cars. Vladimir Leontiev, le maire mis en place par Moscou à Nova Kakhovka, où se trouve le barrage, a indiqué que sa ville était sous les eaux et que 900 de ses habitants avaient été évacués.
À Genève, l’OCHA, agence humanitaire de l’ONU, a prévenu que la destruction du barrage pouvait provoquer un désastre environnemental et «avoir un impact sévère sur des centaines de milliers de personnes des deux côtés de la ligne de front».
Accusations mutuelles
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé la Russie d’avoir «fait exploser une bombe» sur le barrage «qu’elle avait miné». «Il est physiquement impossible de (le) faire sauter d’une manière ou d’une autre de l’extérieur, avec des bombardements», comme le veut la version donnée par Moscou, a-t-il ajouté.
Pour Kiev, les Russes ont agi ainsi en vue de «freiner» l’offensive de son armée. Car si les lignes défensives russes le long du Dniepr vont être submergées, c’est surtout une potentielle opération militaire ukrainienne dans cette région qui risque d’être entravée.
Cela «n’affecterait pas la capacité de l’Ukraine à libérer ses propres territoires», a toutefois martelé M. Zelensky. L’Ukraine avait affirmé la veille avoir gagné du terrain près de Bakhmout, dans l’Est, tout en relativisant l’ampleur des «actions offensives» menées ailleurs sur le front.
La Russie dit pour sa part repousser ces attaques d’envergure, tout en reconnaissant mardi que 71 de ses soldats étaient morts et 210 avaient été blessés ces derniers jours. Et ce alors que l’armée russe fait rarement état de ses pertes.
Concernant le barrage, le Kremlin a dénoncé un acte de «sabotage délibéré» et a «fermement» rejeté les accusations ukrainiennes, appelant la communauté internationale à «condamner» Kiev pour cette destruction.
Cela a suscité de nouvelles inquiétudes pour la centrale nucléaire de Zaporijjia, située à 150 km en amont dans une zone occupée par les Russes, et refroidie par l’eau retenue par le barrage. Mais il n’y a «pas de danger nucléaire immédiat», a estimé l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA).
«Conséquence dévastatrice»
Plusieurs dizaines de milliers d’hectares de terres agricoles dans la région de Kherson risquent d’être inondés, a écrit le ministère de l’Agriculture ukrainien dans un communiqué, disant craindre l’assèchement total des champs du sud du pays dès l’année prochaine en raison de la destruction du barrage et un manque d’eau potable pour la population.
«L’Ukraine réclame une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies», a fait savoir le ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba. «La Russie ne peut pas nous vaincre sur le champ de bataille, alors elle cible les infrastructures civiles», a lâché à La Haye Anton Korynevych, le représentant ukrainien devant la Cour internationale de Justice. «C’est une nouvelle conséquence dévastatrice de l’invasion russe de l’Ukraine», a estimé le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres.