Après l'échec de leur offensive-éclair pour faire tomber le régime de Kiev, les forces russes se concentrent sur la conquête de la région du Donbass, où se joue désormais une guerre d'usure après bientôt trois mois de conflit.
Et la tactique du rouleau compresseur appliquée par Moscou pour grignoter lentement le Donbass semble porter ses fruits.
A Severodonetsk, capitale administrative de la région de Lougansk, désormais, «80% de la ville est occupée» par les forces russes et les combats de rue font rage, a déclaré le gouverneur de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï, dans la nuit de mercredi à jeudi.
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«La situation la plus difficile est dans la région de Lougansk, où l'ennemi essaye de déloger nos troupes de leurs positions», selon le commandant en chef des forces armées ukrainiennes, Valeri Zaloujny, cité dans un communiqué de l'armée publié dans la nuit de mercredi à jeudi.
«L'ennemi a un avantage opérationnel en termes d’artillerie», a-t-il concédé lors d'une conversation téléphonique mercredi avec le chef d'état-major français des armées, le général Thierry Burkhard, selon Kiev.
«Cela soulève la question de la transition la plus rapide possible de nos unités vers des armes du type de celles de l'Otan. Cela sauverait des vies», a plaidé le général ukrainien, qui attend des livraisons de systèmes de lance-missiles plus puissants promis par le président américain Joe Biden, à même de changer le rapport de force militaire sur le terrain.
La région de Donetsk n'est pas épargnée par Moscou, notamment Sloviansk, à quelque 80 km à l'ouest de Severodonetsk.
60 à 100 Ukrainiens tués par jourPlus de trois mois après le début de la guerre en Ukraine, dans la banlieue de la ville de Donetsk, les séparatistes prorusses ont affirmé mercredi avoir coupé l'une des deux routes permettant d'approvisionner la ville proche d'Avdiïvka, contrôlée par les forces ukrainiennes.
Celles-ci perdent chaque jour jusqu'à 100 soldats, a assuré le président de l'Ukraine Volodymyr Zelensky au média américain Newsmax dans un entretien publié mercredi.
«La situation dans l'Est est vraiment difficile (...) Nous perdons de 60 à 100 soldats par jour, tués au combat, et quelques 500 sont blessés», a détaillé le dirigeant de 44 ans.
Dans le sud, les Ukrainiens s'inquiètent d'une possible annexion des régions conquises par les forces russes, Moscou évoquant des référendums dès juillet en vue d'une annexion.
Les Occidentaux essaient aussi de débloquer les ports ukrainiens de la mer Noire, notamment celui d'Odessa (sud), principale porte de sortie de la production agricole du pays, pour relancer les exportations de céréales dont l'Ukraine est l'une des grandes productrices mondiales.
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Au moins 20 millions de tonnes de céréales ukrainiennes ne peuvent être exportées à cause d'un blocus russe, faisant planer le risque d'une crise alimentaire mondiale.
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov devrait discuter de l'instauration de «couloirs sécurisés» pour le transport de céréales lors d'une visite en Turquie le 8 juin, selon Ankara.
Travailler sous les bombesDans la banlieue de Kiev, l'usine Tsar-Khlib, malgré la guerre, n'a jamais cessé d'alimenter la capitale en pain.
Avec une petite fraction de ses 800 salariés, dont une vingtaine installés à demeure dans le sous-sol, la fabrique réduit la voilure mais continue de fonctionner, produisant 16 tonnes de pain frais par jour contre 100 avant-guerre.
Quand les sirènes anti-aériennes retentissent, les ouvriers partent à la cave. Les miches chaudes s'amoncellent alors à la sortie du four.
Les habitants «nous remercient d'avoir continué à travailler même sous les bombes», se félicite le directeur du groupe Khlibni Investytsiï, Oleksandr Tarenenko.
Après avoir poussé la Finlande et la Suède à demander leur adhésion à l'Otan, l'invasion russe de l'Ukraine continue à avoir d'autres effets géostratégiques: les Danois ont ainsi massivement voté «oui» mercredi au référendum sur une entrée de leur pays dans la politique de défense de l'Union européenne, après s'y être refusés pendant trois décennies.
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L'équipe d'Ukraine de football a par ailleurs battu l'Ecosse (3-1) mercredi soir en match de barrages pour le Mondial 2022, permettant aux habitants d'oublier brièvement le quotidien de la guerre. L'Ukraine obtiendra son billet pour le Qatar si elle bat le Pays de Galles dimanche.
Le Brésilien Pelé, légende vivante du football, a demandé mercredi soir au président russe Vladimir Poutine d’«arrêter l’invasion» de l'Ukraine, dans une lettre publiée sur Instagram avant le match Ukraine-Ecosse.
«Je veux utiliser le match d'aujourd'hui comme une opportunité pour faire une requête: arrêtez l'invasion. Il n'y a absolument rien qui justifie une telle violence», a écrit le «Roi» Pelé dans cette lettre adressée à Vladimir Poutine.