Selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, la Russie a tiré près de 300 missiles et plus de 200 drones explosifs, dans deux attaques, le 29 décembre et dans la nuit du 1er au 2 janvier, qui ont fait 25 morts. Cette campagne au milieu de l’hiver a touché des installations civiles essentielles et des quartiers résidentiels, selon Kiev. Moscou affirme de son côté ne viser que des cibles militaires.
L’un des premiers objectifs du Kremlin, explique Mick Ryan, chercheur associé au CSIS (Center for strategic and international studies), est de «tester» la défense antiaérienne ukrainienne, qui est montée en puissance grâce à des équipements américains et européens.
Moscou engage une course contre la montre, en espérant que «l’Ukraine sera à court d’intercepteurs avant que la Russie ne soit à court de missiles et de drones», relève ce général australien à la retraite sur X (ex-Twitter).
L’industrie de défense visée
La Russie est passée en économie de guerre, alors que les Occidentaux peinent à fournir la quantité nécessaire de missiles antiaériens sol-air, beaucoup plus complexes et coûteux à fabriquer que certains drones construits en partie à base de matériel civil. La principale cible des frappes russes est à ce titre «l’industrie de défense» que Kiev tente de renforcer face à l’essoufflement des livraisons d’armes occidentales, analyse le ministère britannique de la Défense.
Pour atteindre ces cibles, «le séquençage et le panachage des projectiles russes ont changé, ils sont devenus plus complexes», explique à l’AFP Stéphane Audrand, consultant français en risques internationaux. Le commandant en chef de l’armée ukrainienne a ainsi décrit sur Telegram la panoplie de projectiles utilisée par les Russes au cours de l’attaque des 1er-2 janvier : drones, missiles de croisière modernes, d’autres plus anciens et missiles balistiques. L’Ukraine affirme aussi avoir abattu à cette occasion 10 missiles hypersoniques Kinjal, pourtant présentés comme «invincibles» par le Kremlin.
Pression psychologique
L’objectif des frappes russes est également de miner le moral de la population. «Les “victoires” russes sur le terrain sont locales et sont atteintes à un prix humain exorbitant. Poutine essaie donc à nouveau cet autre levier de pression», analyse Tatiana Kastouéva-Jean, de l’Institut français de relations internationales. «“Je ne lâcherai pas, je suis prêt à tout, vous allez souffrir sans répit et mourir si vous ne vous pliez pas à mes conditions” -tel est son message», explique-t-elle, interrogée par l’AFP.
Le président russe s’adresse aussi aux Occidentaux, en voulant prouver que «le soutien à l’Ukraine ne fait que prolonger les souffrances de la population et fait de l’Ukraine un gouffre financier, où les infrastructures chères à reconstruire peuvent être frappées encore et encore», selon elle.
Ces attaques prennent enfin une dimension de représailles, estime Tatiana Stanovaya, la fondatrice de R. Politik, un centre d’analyse de la politique russe. Après les frappes ukrainiennes sur la ville russe de Belgorod qui ont fait 25 morts le 30 décembre, Vladimir Poutine a envoyé le message suivant : «l’Ukraine ne peut pas nous attaquer sans conséquences», dit-elle.
Face à cette campagne russe, le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba, a demandé l’accélération des livraisons occidentales de «systèmes de défense antiaérienne supplémentaires, de drones de combat» et de «missiles d’une portée de plus de 300 kilomètres». Kiev attend aussi les avions de combat F-16 promis par plusieurs pays européens, qui peuvent participer à la défense antiaérienne avec des missiles air-air.