Moscou avait avancé pour la première fois ces accusations dimanche lors de conversations téléphoniques entre le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou et ses homologues américain, français, britannique et turc.
«Les Alliés de l'Otan rejettent cette allégation. La Russie ne doit pas utiliser cela comme un prétexte à une escalade» du conflit en Ukraine, a tweeté lundi soir le patron de l'Otan, Jens Stoltenberg, après s'être entretenu avec le chef du Pentagone Lloyd Austin et le ministre britannique de la Défense Ben Wallace.
Paris, Londres et Washington avaient auparavant fustigé ensemble lundi des déclarations «fausses» de Moscou: «personne ne serait dupe d'une tentative d'utiliser cette allégation comme prétexte à une escalade».
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Une bombe radiologique ou «bombe sale» est constituée d'explosifs conventionnels entourés de matériaux radioactifs destinés à être disséminés lors de l'explosion.
Plus tôt lundi, le général Igor Kirillov, en charge au sein de l'armée russe des substances radioactives, des produits chimiques et biologiques, avait réitéré ces accusations, affirmant que la fabrication d'une «bombe sale» par les Ukrainiens, qui accuseraient ensuite la Russie de l'avoir utilisée, était «entrée dans sa phase finale».
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a assuré lundi qu'«il y a de sérieux soupçons indiquant que de telles choses puissent être planifiées».
«Bien sûr, nous voyons la réaction des médias occidentaux. Elle ne nous surprend pas. Elle va dans le sens d'un soutien inconsidéré à son protégé Zelensky, lui fournissant son indulgence pour toute action russophobe, non seulement en paroles, mais dans le bombardement de cibles civiles, de populations civiles», a ajouté le chef de la diplomatie russe lors d'une conférence de presse à Moscou.
«Nous règlerons le problème de la bombe sale jusqu'au bout. Nous avons tout intérêt à empêcher une si terrible provocation», a-t-il encore assené.
Le chef de l'état-major de l'armée russe Valéri Guerassimov s'est également entretenu lundi avec ses homologues américain, le général Mark Milley, et britannique, l'amiral Tony Radakin, au sujet de la «bombe sale», selon le ministère russe de la Défense. Le ministère britannique de la Défense a indiqué que Tony Radakin «a rejeté les allégations de la Russie».
Le président ukrainien Volodymr Zelensky a encore raillé lundi soir, lors de son allocution quotidienne, les «diverses idioties sur l'Ukraine» proférées par Moscou: «l'Ukraine est en train de briser la soi-disant deuxième armée au monde, et désormais la Russie ne fera plus que supplier».
L'AIEA viendra sur place
Dmytro Kouleba a demandé à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), d'«envoyer d'urgence des experts» dans les deux structures où la Russie «prétend trompeusement» que l'Ukraine développe une «bombe sale».
Le chef de l'AIEA, Rafael Grossi, a confirmé une visite «dans les prochains jours» dans un communiqué lundi soir, précisant qu'un des deux lieux avait été inspecté «il y a un mois» et qu'«aucune activité nucléaire non déclarée n'y avait été trouvée».
Les Ukrainiens et les Occidentaux y voient la menace des préparatifs d'une attaque menée sous un faux drapeau, suspectant la Russie d'être prête à faire exploser elle-même une «bombe sale» pour justifier une escalade militaire, par exemple en employant une arme nucléaire tactique en représailles.
«Il y a un schéma récurrent dans ce conflit (...) Les Russes ont accusé les Ukrainiens et d'autres pays de ce qu'ils planifiaient eux-mêmes. C'est ce qui nous inquiète», a réagi le porte-parole du département d'Etat américain Ned Price.
Néanmoins, «nous n'avons vu aucune raison de changer notre posture nucléaire» et «aucune indication que les Russes préparaient le déploiement d'une arme nucléaire», a-t-il précisé.
Au début de son offensive, Moscou avait déjà accusé l'Ukraine de préparer des armes bactériologiques dans des laboratoires secrets financés par les Etats-Unis, allégations démenties par Kiev.
Les allégations de «bombe sale» interviennent alors que les forces russes sont en difficulté sur plusieurs fronts en Ukraine, ayant perdu en septembre des milliers de kilomètres carrés dans le nord-est et désormais en recul dans la région de Kherson (sud), où les autorités d'occupation russe organisent des évacuations de la population.
Le commandement ukrainien a annoncé lundi avoir repris 90 localités au total dans la région de Kherson, l'un des quatre territoires d'Ukraine dont Moscou a revendiqué l'annexion en septembre, et quatre villages dans les régions de Donetsk et Lougansk (est).
Drones et électricitéMoscou a mené ces dernières semaines plusieurs séries de frappes massives, notamment avec des drones-suicides de fabrication iranienne, contre des infrastructures critiques ukrainiennes.
Le président ukrainien a assuré lundi que la Russie avait commandé «environ 2.000 drones Shahed iraniens» pour appuyer sa campagne de bombardements en Ukraine. Il a critiqué la neutralité observée par Israël depuis l'invasion de son pays par la Russie, qui a permis selon lui une «alliance» entre Moscou et Téhéran et la livraison des drones iraniens à l'armée russe.
«Nous n'avons fourni à la Russie ni armes ni drones à utiliser dans la guerre contre l'Ukraine», a réaffirmé lundi le chef de la diplomatie iranienne Hossein Amir-Abdollahian, répétant de précédents démentis. «S'il devenait clair pour nous que la Russie a utilisé des drones iraniens contre l'Ukraine, nous ne serons certainement pas indifférents à cette question».
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Les bombardements russes ont provoqué dimanche de nouvelles coupures d'électricité à travers l'Ukraine, entraînant des restrictions et des appels au rationnement.
Plus d'un million de foyers ukrainiens ont été privés d'électricité à la suite d'attaques russes contre les infrastructures électriques, avait précisé samedi la présidence ukrainienne. Des coupures de courant tournantes avaient lieu lundi dans différents quartiers de Kiev.
La Russie dénonce de son côté une «augmentation considérable» des tirs ukrainiens visant ses régions frontalières, notamment celles de Belgorod et Koursk où des lignes de défense sont en train d'être construites en cas d'attaque.