Les forces russes se retirent de villes-clés situées près de la capitale et de Tcherniguiv, dans le nord de l'Ukraine, pour se redéployer vers l'Est et le Sud dans le but de «garder le contrôle» des territoires qu'elles y occupent déjà, a confirmé l'Ukraine.
Plus d'un mois après le lancement de l'invasion russe, les localités d’«Irpin, Boutcha, Gostomel et toute la région de Kiev ont été libérées de l’envahisseur», a affirmé hier, samedi, la vice-ministre ukrainienne de la Défense, Ganna Maliar.
Mais les Russes, en se repliant «d’eux-mêmes» ou après des combats, laissent derrière eux «un désastre total et de nombreux dangers», a dénoncé le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, sur Facebook.
«Les bombardements peuvent se poursuivre», a-t-il mis en garde, accusant aussi les militaires russes de «miner les territoires qu'ils quittent, des maisons, des munitions et même des cadavres».
«Mains attachées»A Boutcha, une ville proche de Kiev, les corps d'une vingtaine d'hommes, dont l'un présente une large blessure à la tête, gisent dans une rue, éparpillés sur plusieurs centaines de mètres, a constaté un journaliste de l'AFP.
«Toutes ces personnes ont été abattues, tuées d'une balle à l'arrière de la tête», a assuré à l'AFP Anatoly Fedorouk, le maire de cette ville que les soldats ukrainiens ont repris aux russes, et où près de 300 personnes ont été enterrées «dans des fosses communes».
«Dans certaines rues, on voit 15 à 20 cadavres sur le sol» mais «je ne peux pas dire combien il y en a encore dans des cours, derrière les palissades», a poursuivi le maire. Plusieurs personnes retrouvées mortes ont les mains attachées par une bande de tissu blanche, utilisée pour montrer qu'elles n'avaient pas d'armes, a encore raconté Anatoly Fedorouk.
La ministre britannique des Affaires étrangères Liz Truss s'est dite, sur Twitter, «horrifiée par les atrocités à Boutcha et d'autres villes».
Boutcha et la ville voisine d'Irpin, rendues méconnaissables par les bombardements, ont été le théâtre de certains des combats les plus féroces depuis que la Russie a attaqué l'Ukraine le 24 février, quand les soldats russes tentaient alors d'encercler Kiev.
Toujours près de la capitale, le corps d'un photographe ukrainien chevronné, Maks Levine, a été retrouvé tué par balle après le retrait de troupes russes, ont annoncé hier, samedi, les autorités ukrainiennes. Pour le parquet ukrainien, il a été victime de tirs de soldats russes.
Accord «oral» de la RussieAlors que la guerre a fait, a minima, des milliers de morts et contraint à l'exil plus de 4,1 millions d'Ukrainiens, un dirigeant onusien se rend à Moscou dimanche afin d'essayer d'obtenir un «cessez-le-feu humanitaire».
Jusqu'à présent, la Russie refusait toute visite d'un haut responsable de l'ONU ayant l'Ukraine pour sujet principal.
Le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires humanitaires, le Britannique Martin Griffiths, «sera à Moscou dimanche et après il ira à Kiev», avait annoncé vendredi dernier le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, en rappelant qu'il lui avait donné pour mission de «rechercher un cessez-le-feu humanitaire en Ukraine».
Parallèlement, le négociateur en chef ukrainien dans les pourparlers de paix avec la Russie, David Arakhamia, a affirmé hier, samedi, que Moscou avait accepté «oralement» les principales propositions ukrainiennes, à l'exception de celles concernant la Crimée, ajoutant que Kiev attendait une confirmation écrite.
S'exprimant dans une émission télévisée, il a laissé entendre que les discussions visant à mettre fin aux hostilités avaient considérablement avancé.
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Vendredi, la Russie, accusant l'Ukraine d'avoir mené une frappe par hélicoptères sur son sol, avait pourtant agité la menace d'un durcissement des négociations.
Les efforts des troupes russes pour consolider leurs positions dans le Sud et l'Est de l'Ukraine se sont heurtés jusqu'ici à la résistance des Ukrainiens à Marioupol, où quelque 160.000 personnes seraient toujours bloquées et dont au moins 5.000 habitants ont été tués, selon les autorités locales.
Pour Moscou, contrôler Marioupol permettrait d'assurer une continuité territoriale de la Crimée jusqu'aux deux républiques séparatistes prorusses du Donbass, Donetsk et Lougansk.
«Odessa attaquée depuis les airs»Impossibles pendant des semaines, des évacuations ont commencé à petite échelle. Hier, samedi, quelque «1.263 personnes" ont voyagé de Marioupol et Berdiansk à Zaporojie par leurs propres moyens, et une dizaine de bus en convoi sont partis de Berdiansk, avec à leur bord 300 habitants de Marioupol, a annoncé en soirée la vice-Première ministre Iryna Verechtchouk sur Telegram. D'autres évacuations ont eu lieu dans l'Est du pays.
A Odessa, principal port ukrainien, qui offre l'accès à la mer Noire dans le Sud-Ouest, une série d'explosions ont été entendues ce dimanche matin, provoquant au moins trois colonnes de fumée noire et des flammes visibles, apparemment dans une zone industrielle, a constaté l'AFP.
Une employée d'hôtel du centre-ville a dit avoir entendu un avion, mais un militaire près du lieu d'une des frappes a affirmé qu'il s'agissait d'une roquette ou d'un missile.
«Odessa a été attaquée depuis les airs. Des incendies ont été signalés dans certaines zones. Une partie des missiles a été abattue par la défense aérienne. Il est recommandé de fermer les fenêtres», a écrit Anton Guerachtchenko, conseiller du ministre de l'Intérieur ukrainien, sur son compte Telegram.
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Les forces russes continuent par ailleurs «de bloquer partiellement la ville de Kharkiv», la deuxième ville d'Ukraine, située dans l'Est, où des zones industrielles et résidentielles sont la cible de tirs d'artillerie, selon l'état-major de l'armée ukrainienne, qui note toutefois une diminution de leur intensité.
La Russie prévoit également de «créer des bataillons formés de résidents "volontaires" des territoires temporairement occupés de l'Ukraine et de mercenaires», relève la même source.
Fin du gaz russe chez les BaltesPression supplémentaire sur Moscou, les Etats baltes ont cessé d'importer du gaz naturel russe qui «n'est plus acheminé vers la Lettonie, l'Estonie et la Lituanie depuis le 1er avril», a indiqué hier, samedi, le dirigeant de l'entreprise de stockage lettone Conexus Baltic Grid. Les pays baltes sont désormais desservis par des réserves de gaz stockées sous terre en Lettonie.
«A partir de ce mois-ci, plus de gaz russe en Lituanie», a tweeté le président lituanien Gitanas Nauseda, en appelant le reste de l'Union européenne à suivre l'exemple balte.
Selon Eurostat, en 2020, la Russie comptait pour 93% des importations estoniennes de gaz naturel, 100% des importations lettones et 41,8% des importations lituaniennes.
Les Etats-Unis ont interdit l'importation de pétrole et de gaz russes après l'invasion de l'Ukraine, mais pas l'UE qui s'approvisionnait en Russie à hauteur de 40% environ en 2021.