L’enrôlement de nouvelles personnes suscite des débats en Ukraine depuis plus d’un an, alors que l’armée manque d’effectifs face à des forces russes à l’offensive sur plusieurs fronts.
Un projet de loi devant faciliter le recrutement a été adopté par le Parlement ukrainien, après l’échec d’une première mouture préparée par le gouvernement l’année dernière, une deuxième version qui a aussi été lourdement amendée.
L’une de ses clauses clés a notamment été enlevée: la démobilisation des militaires qui combattent depuis plus de 36 mois, une mesure pourtant très attendue dans un pays épuisé par plus de deux ans de guerre.
«À la suite d’un appel du chef de l’armée et du ministre de la Défense (...), la clause sur la libération du service militaire après 36 mois a été retirée», a expliqué Iryna Friz, membre de la commission de Défense du Parlement, qui ajoute que plusieurs incitations financières destinées aux soldats ont également été supprimées.
Mobilisation des condamnés
Les députés ont aussi voté mercredi en première lecture un projet de loi rendant possible la mobilisation des détenus. «Nous devons donner aux condamnés la possibilité de se battre», s’est défendu sur Telegram le co-auteur du texte, Oleksiï Gontcharenko, tout en promettant que les condamnés pour meurtre ou viol ne seraient pas enrôlés.
La décision de supprimer la clause sur la démobilisation a immédiatement provoqué la controverse, d’autant que le système d’enrôlement actuel est jugé par de nombreux Ukrainiens injuste, inefficace et souvent corrompu.
Pour le porte-parole du ministère de la Défense, Dmytro Lazoutkine, qui a reconnu que les troupes étaient «épuisées», une telle décision était rendue nécessaire par «l’impossibilité d’affaiblir les forces de défense» au moment où «l’offensive (russe) se poursuit littéralement sur tous les fronts». Selon lui, le gouvernement doit soumettre un nouveau projet de loi sur les rotations dans l’armée dans un délai de huit mois.
«Très fatigués»
Les militaires interrogés par l’AFP se sont dits choqués. «C’est un désastre. Qu’est-ce qu’ils ont dans la tête?», a réagi Oleksandre, 46 ans, qui sert dans la région orientale de Donetsk. «Une personne qui sait quand elle sera démobilisée aura une attitude différente à l’égard du service. Si on est comme des esclaves, alors… cela ne mènera à rien de bon», a-t-il prédit.
Iévguén, un parachutiste de 39 ans lui aussi basé dans cette région, est dans l’armée depuis un an et demi. Il n’a pas vu depuis deux ans sa femme, et n’a eu que 10 jours de congés l’année dernière, qu’il a passés à se faire soigner.
«Ces soldats qui se battent depuis longtemps (...). Ils sont très fatigués», relève-t-il. «99% des hommes veulent se reposer, faire une pause, vivre une vie normale. Vivre à la maison», raconte-t-il. «Il y a des militaires qui ne sont pas rentrés chez eux depuis un an. C’est très injuste», lance-t-il.
Début avril, le président Volodymyr Zelensky avait déjà entériné l’abaissement de 27 à 25 ans de l’âge auquel on peut être mobilisé pour agrandir le vivier des recrues potentielles. Il avait affirmé en décembre 2023 que l’armée lui avait proposé d’enrôler jusqu’à 500.000 personnes supplémentaires, un nombre depuis revu à la baisse par le nouveau commandant en chef de l’armée, Oleksandre Syrsky.