"Le bus a d'abord heurté deux piétons, faisant un mort et un blessé", a déclaré à l'AFP Marie-Alta Jean Baptiste, directrice de la protection civile haïtienne. "Il s'est alors enfui et s'est trouvé face à trois bandes de rara (des musiciens à pied, NDLR). Il leur a foncé dessus et 33 personnes sont mortes".
Arrivés rapidement sur place, les services de secours ont transporté les blessés à l'hôpital de la ville de Gonaïves: parmi eux, quatre ont succombé à leurs blessures dans la journée de dimanche.
A l'hôpital La Providence, les survivants de l'accident, survenu de nuit, un peu avant 4 heures du matin, sont encore sous le choc.
"On était dans la bande, on prenait du plaisir et puis le bus est passé en écrasant les gens" témoigne Jean-Renald Edouard, allongé sur un des lits du service d'urgences. "Il m'a heurté à la hanche et je suis tombé, après c'est le trou noir", raconte cet homme de 26 ans, sa petite amie à son chevet.
A quelques mètres, Guerda Fénélus empêche les mouches de se poser sur le visage de son petit-fils Peterson, inconscient.
"Une de mes petites-filles a été tuée par ce bus et lui est ici. Il n'a toujours pas parlé: il vit car il est sous oxygène", dit cette femme de 61 ans. "Je souffre de le voir ainsi et c'est son silence qui me tue: s'il parlait, je pourrais avoir de l'espoir", soupire Guerda.
En Haïti, par peur d'être lynchés par des riverains, les conducteurs impliqués fuient souvent les lieux d'un accident de la route.
Pour cette raison, la police est intervenue rapidement dimanche matin pour contenir les mouvements de colère de la population.
"Les gens qui n'ont pas été victimes de l'accident ont tenté de brûler l'autobus avec ses passagers dedans", a déclaré Faustin Joseph, coordonnateur de la protection civile pour le département de l'Artibonite.
M. Joseph a d'abord dit que le chauffeur avait été "placé en sécurité dans le commissariat de Gonaïves" avec les passagers. Mais la police a ensuite indiqué qu'il avait fui avant l'arrivée des agents sur le site de l'accident, et dans l'après-midi elle tentait de l'identifier.
Il travaille pour Blue Sky, une compagnie qui assure des trajets entre les principales villes du nord d'Haïti et la capitale via une flotte de bus modernes et climatisés.
Des incidents ont aussi été observés dans la zone où le chauffeur a commis le délit de fuite mais la situation était redevenue calme dans l'après-midi, selon les autorités locales, et les passagers du bus ont pu sortir du commissariat.
Le tronçon de route où s'est produit le drame est une ligne droite, d'après une journaliste de l'AFP qui s'est rendue sur place. Dans sa course, le bus a poussé dans le fossé une petite voiture alors garée au bord de la large voie où dansaient les musiciens et leur public.
"Après avoir heurté les premières personnes, le chauffeur a pu avoir peur d'être tué et donc il a accéléré sa course et apparemment même éteint ses lumières pour ne pas être poursuivi", confie un policier souhaitant rester anonyme car une enquête va être lancée pour déterminer les circonstances de l'accident.
"Le bus n'avait pas les grands phares allumés: on ne l'a pas vu arriver", a affirmé à l'AFP Jean-Renald Edouard depuis son lit d'hôpital.
Le président haïtien Jovenel Moïse s'est dit "consterné" par cet accident et a transmis, "au nom de l'ensemble du Gouvernement, ses sincères condoléances aux familles et proches des victimes de ce drame de trop sur nos routes nationales", selon un communiqué.
A l'approche de Pâques, les défilés de groupes de musiciens à pied se multiplient dans la soirée et la nuit, aussi M. Moïse a-t-il exhorté "les usagers de la voie publique à faire preuve de vigilance".
Il a demandé "l'ouverture d'une enquête au plus vite pour faire la lumière sur cette tragédie".
Les Gonaïves, troisième ville du pays, est située à environ 150 kilomètres au nord-ouest de Port-au-Prince. Elle compte quelque 300.000 habitants.