C'est la mobilisation de centaines de bénévoles à travers les Etats-Unis qui a permis à cette mère guatémaltèque de 29 ans de retrouver ses enfants, sur fond de débat politique explosif concernant l'immigration et alors que la désorganisation règne à la frontière mexicaine.
Les centres de rétention sont débordés par l'inculpation systématique des clandestins interpellés, les tribunaux engorgés, et des enfants de migrants arrêtés sont envoyés dans des centres d'accueil à travers tout le pays, en vertu d'une politique de séparation de l'administration Trump qui n'a duré que quelques semaines mais dont les conséquences pourraient se faire sentir pendant des mois.
La mobilisation pour Mme Gonzalez a commencé il y a huit jours lorsqu'une journaliste new-yorkaise de 40 ans, elle aussi mère de trois enfants, a entendu à la radio un avocat évoquer le sort de Yeni Gonzalez et de ses enfants envoyés dans un centre d'accueil de New-York, bastion pro-immigration situé à des milliers de kilomètres de la frontière.
Julie Schwietert Collazo, spécialiste de l'Amérique latine et résidente de Queens - un quartier à forte population immigrée - a alors lancé une page de financement participatif sur le site GoFundMe.
Rapidement, a-t-elle expliqué mardi à l'AFP, elle a réuni les 7.500 dollars de caution nécessaire pour faire sortir Mme Gonzalez du centre de rétention où elle était détenue à Eloy, dans l'Arizona, un Etat bordant la frontière sud du pays.
Restait à organiser sa venue à New York. Ce sera fait grâce à une série de chauffeurs volontaires, défenseurs des migrants ou immigrés eux-mêmes, qui se relaieront pendant quatre jours pour permettre à Mme Gonzalez de traverser les Etats-Unis d'ouest en est, et grâce à une famille du Queens, qui a offert de loger la mère de famille en attendant qu'elle soit fixée sur son sort.
Une mobilisation relayée par les réseaux sociaux, puis lundi par la présentatrice star de MSNBC, Rachel Maddow, farouchement anti-Trump. Son intervention a permis de doper la levée de fonds, qui avoisinait les 40.000 dollars mardi matin, selon Mme Collazo.
Sous une chaleur moite, une vingtaine de caméras étaient venues voir Mme Gonzalez pénétrer dans le centre d'accueil des Cayuga Centers, à Harlem, accompagnée de son avocat et du représentant au Congrès Adriano Espaillat, lui-même immigré de République dominicaine, arrivé enfant aux Etats-Unis.
Une heure et demie plus tard, Yeni Gonzalez, toute menue dans son jean et ses baskets, ressortait les larmes aux yeux."Je suis très heureuse, mon coeur est rempli de joie parce qu'ils m'ont laissée les voir. J'espère que tout cela va bientôt se terminer parce que tout ce que je souhaite, c'est d'être avec eux et qu'on ne soit plus séparé", a-t-elle déclaré en espagnol, montrant aux journalistes une sucette que sa fille lui avait donnée.
La voix étranglée, à peine audible, elle a serré dans ses bras Adriano Espaillat et remercié tous ceux qui l'avaient aidée.Sa bataille est pourtant loin d'être terminée, a expliqué son avocat, José Xavier Orochena.
Mme Gonzalez ne pourra pas récupérer ses enfants de 10, huit et cinq ans tant que des démarches de prise d'empreintes digitales ne seront pas terminées. Elles prendront "un mois dans le meilleur des cas", a-t-il indiqué.
Et rien ne garantit que sa demande d'asile ne sera pas finalement rejetée, auquel cas toute la famille serait expulsée.
Mais en attendant, Mme Gonzalez peut rendre visite régulièrement à ses trois enfants, "tous les jours si elle le souhaite", a-t-il souligné.
Beaucoup d'autres mères arrêtées à la frontière sont dans une situation plus critique.
"Nous vivons en Amérique une époque horrible, où des femmes comme elle sont séparées de leurs enfants", a lancé le démocrate Espaillat. "Nous devons nous assurer que le processus (de réunification des familles) est accéléré".
Mme Gonzalez a ainsi souligné que 400 autres mères étaient toujours détenues dans le centre dont elle a été relâchée.
"Nous avons partagé énormément de tristesse (...) Si ce message leur parvient, je demande à Dieu qu'elles sortent bientôt de ce lieu", a-t-elle lancé.
Selon José Xavier Orochena, qui représente bénévolement 12 mères détenues, la plupart ne peuvent pas verser les milliers de dollars de caution exigés pour sortir des centres de rétention.
Un obstacle que le système de financement participatif initié par Julie Collazo pourrait aider à surmonter.
Alors que des milliers de personnes ont manifesté dans plusieurs grandes villes américaines samedi pour réclamer la réunion des familles de migrants arrêtés, cette journaliste new-yorkaise espère que son initiative servira de "modèle" à tous ceux "qui veulent faire quelque chose de similaire".