Nombre des critiques viennent de France, l'un des pays en Europe où la population est la plus méfiante par rapport à la vaccination.
Le président français Emmanuel Macron a soutenu récemment que le vaccin Oxford/AstraZeneca est "quasi-inefficace" chez les plus de 65 ans. Les autorités sanitaires de plusieurs pays européens soulignent le manque de données suffisantes sur son efficacité dans cette tranche d'âge.
"Ca ne peut qu'avoir un impact négatif sur le déploiement de la vaccination en France, en Allemagne et ailleurs. C'est mauvais pour la santé publique", estime Kent Woods, qui a à la fois dirigé les régulateurs des produits de santé du Royaume-Uni et de l'Union européenne.
"Oubliez la politique. Il s'agit d'une menace pour la santé publique et ceux qui sont sous le regard du public doivent être très prudents dans leurs messages", assure-t-il à l'AFP.
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Il dénonce une motivation plus politique que scientifique, relevant les conclusions du régulateur européen qui a donné son feu vert à ce vaccin pour tous les adultes.
Les plus de 65 ans, souligne Kent Woods, représentent précisément la tranche d'âge qui nécessite le plus d'être vaccinée. "Ca semble bizarre d'exclure les patients qui en ont le plus besoin", estime-t-il.
Lundi, le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes Clément Beaune a estimé que le Royaume-Uni prend "beaucoup de risques" avec sa campagne de vaccination, citant notamment la décision d'espacer jusqu'à 12 semaines la seconde dose de le première.
Au Royaume-Uni, les scientifiques soutiennent cette approche visant à vacciner autant de personnes à risque que possible, et cette stratégie a été confortée pour le vaccin AstraZeneca par une étude de l'université d'Oxford publiée mardi.
Pour Micheal Head, chercheur en santé mondiale à l'université de Southampton, l'intervention du président français s'avère "mal fondée et imprécise" et risque de donner du grain à moudre aux anti-vaccins.
Les experts britanniques s'inscrivent également en faux par rapport aux propos de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen qui, en défendant la lenteur du déploiement de l'UE, a laissé entendre mardi que le Royaume-Uni avait pris des raccourcis dans son processus d'approbation des vaccins.
"On a eu tellement de bonnes nouvelles sur le front de la vaccination que ce serait dommage de gâcher ça avec un jeu de postures politiques", regrette Michael Head.
Mais en la matière, le Royaume-Uni, qui présente le bilan le plus lourd en Europe avec 109.000 morts, est loin d'être épargné.
Le Premier ministre Boris Johnson claironne régulièrement que le pays dépasse toute l'Europe avec désormais plus de 10 millions de personnes vaccinées avec une dose, le tout après des années d'un divorce tortueux avec l'Union européenne.
Mais les attaques côté européen sont d'un tout autre ordre, selon Agnes Arnold-Forster, historienne de la santé à l'université de Bristol.
"C'est une stratégie risquée qui peut tout à fait alimenter la méfiance envers la vaccination", déclare-t-elle à l'AFP. "Les politiques devraient vraiment faire attention. Ce que vous dites au sujet des programmes d'autres pays va affecter l'adhésion au vôtre".
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Au Royaume-Uni, les sondages indiquent que la résistance au discours de santé publique et à la vaccination est plus importante chez les groupes fondamentalistes chrétiens africains, musulmans conservateurs et juifs orthodoxes.
Les messages de dirigeants étrangers ne feront qu'accentuer leurs doutes et risquent de prolonger la pandémie, selon Robert Dingwall, professeur de sociologie médicale à l'université Trent de Nottingham.
Mais selon le chercheur, qui a travaillé avec des Français, les sceptiques en France risquent de s'emparer des propos de leurs dirigeants.
"Il est important que des gens comme Macron et Beaune pensent à l'avenir, quand l'adhésion deviendra très importante pour le retour à une vie normale", souligne-t-il, avertissant de l'impact "dévastateur" pour l'économie si la France traîne.