Hanna Cowart n'était pas à la grande marche des femmes, la semaine dernière, mais pour cette jeune femme de 21 ans, "il devient vraiment difficile de rester silencieux".
Comme elle, ils sont nombreux à s'être rendus, à l'appel d'associations, devant le terminal 4 de l'aéroport J.F Kennedy, alertés par les réseaux sociaux et les télévisions.
Ce qui n'était, pendant une bonne partie de la journée, qu'un micro-mouvement de quelques dizaines de personnes, est devenu une foule de plus de 3.000 manifestants à son paroxysme.
A 01H00 du matin, ils étaient encore une centaine à s'époumoner sur l'air du "Let them in!" ("laissez-les entrer!") pour réclamer que les services de l'immigration accordent l'entrée sur le territoire américain aux ressortissants de sept pays musulmans.
Le répit obtenu par des associations auprès d'un juge fédéral de Brooklyn, qui a empêché l'expulsion de passagers interpellés, n'a pas adouci l'humeur des manifestants, qui s'en prenaient verbalement aux policiers venus les repousser sur les trottoirs: "Who do you serve?" (De qui êtes-vous au service?) ou "Shame" (Honte!), leur lançaient-ils.
Près de l'entrée du terminal 4, où avait lieu le rassemblement, un jeune homme s'est posté avec une pancarte portant la mention: "Vous serez les prochains", qui accueillait des passagers éberlués.
Arrivé de Milan, Georgio Pariani attendait son taxi depuis une heure, au milieu des manifestants, sur une route coupée à la circulation par la foule.
Il a dit comprendre la colère des New-Yorkais, car Donald Trump n'est "pas très diplomate".
Pour Mousa Alreyashi aussi, c'était la première manifestation. Chauffeur VTC, il connaît bien l'aéroport J.F Kennedy qu'il sillonne tous les jours.
Cet après-midi, il a décidé de finir plus tôt et a lâché son véhicule pour se joindre au groupe.
"C'est bien, on envoie un message", a-t-il affirmé.
Yéménite d'origine, naturalisé américain, il est un peu plus concerné que la majorité par ce qui se joue depuis vendredi.
Sa mère, son frère et sa soeur, qui sont restés au pays, ont été "choqués", a , par l'annonce de ce décret. "Cela fait sept ans qu'ils attendent leur visa" pour les Etats-Unis. "Aujourd'hui on leur dit: vous ne pouvez pas venir."
Pour lui, le fait que le Yémen fasse partie de la liste, plutôt que d'autres pays arabes, s'explique.
"On parle de Donald Trump, a-t-il dit. C'est un homme d'affaires. Dans les pays riches (il mentionne l'Arabie Saoudite), il a des affaires, des hôtels".
Pakistanais naturalisé américain, Mushahid ne tire aucune conclusion du fait que son pays d'origine ne soit pas sur la liste. "Cela pourrait être le suivant", dit ce père de famille de 45 ans, qui porte lunettes fumées et oreillette bluetooth.
"Nous sommes citoyens (américains) mais nous venons tous de pays différents", enchaîne-t-il.
Lorsqu'il a entendu parler de la manifestation sur Facebook, Christopher Gunderson était en train de fêter l'anniversaire de son fils.
Ce quinquagénaire, professeur d'université, a tout arrêté et l'a embarqué, avec sa fille et sa femme, pour JFK. "Nous avons décidé qu'ils devaient venir. C'est très important", explique-t-il.
Il a reçu des nouvelles de la famille, qui lui a fait part de rassemblements à Minneapolis, Chicago, Washington et Boston, à sa grande satisfaction.Des personnes ont également marqué leur solidarité avec les ressortissants des pays concernés et les réfugiés en général dans les aéroports de Los Angeles, San Diego, San Francisco, Dallas, Seattle et Philadelphie."J'étais enfant durant la guerre du Vietnam, dit-il. Je me souviens de Reagan, de Bush. Il y avait beaucoup de manifestations. Mais là, c'est la situation la plus grave que j'aie connue de ma vie.""On n'est pas en 1939. On a des institutions. Les gens sont prêts à se battre contre ça", prévient David Gaddis, 43 ans, qui ne doute pas que la mobilisation va se poursuivre.
"Chaque jour qu'il passe à la tête du pays, c'est une urgence nationale."
Dans la ville natale d'Hanna Cowart, en Floride, beaucoup ont voté Trump et ne comprennent pas les manifestations.
"Ils trouvent que nous devrions accepter ses décisions parce qu'il est président, dit-elle. Il n'en est pas question."