En début de soirée, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées sur l'une des plus grandes intersections de la ville, armées de bougies et criant "Llibertat, Llibertat, Llibertat". Elles étaient 200.000 selon la police municipale.
"Les corrompus sont toujours libres et des personnes qui organisent des manifestations civilisées, pacifiques, ont les met en prison", s'indignait Maria Miracle, une manifestante de 77 ans.
"Ils veulent nous effrayer pour que l'on arrête de penser à l'indépendance, mais ils obtiennent tout le contraire", disait aussi Elias Houariz, un pâtissier de 22 ans.
Les manifestants ont reçu le soutien à distance d'un autre célèbre Catalan, Pep Guardiola, ancien joueur et entraîneur du FC Barcelone et désormais manager du club anglais de Manchester City, qui a dédié aux deux militants emprisonnés la victoire de son équipe en Ligue des champions mardi soir.
"Cette victoire leur est dédiée. Nous avons montré en Catalogne que la citoyenneté est bien plus grande que n'importe quelle idée. Nous espérons qu'ils seront libérés bientôt", a déclaré Guardiola, indépendantiste proclamé, après le succès 2-1 de son équipe contre Naples.
A midi, mardi, des milliers d'employés avaient déjà quitté sous un ciel bleu leur poste de travail pour observer quelques minutes de silence et réclamer "la libération des prisonniers politiques".
Le président séparatiste catalan Carles Puigdemont et la maire de Barcelone Ada Colau ont fait de même.
Ces manifestations interviennent alors que le délai accordé par Madrid à Carles Puigdemont pour qu'il renonce officiellement à ses desseins séparatistes s'épuise : il a jusqu'à jeudi à 10h00 (8h00 GMT).
S'il ne recule pas, le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy pourrait suspendre totalement ou partiellement l'autonomie de la Catalogne, au risque d'agiter encore la rue.
Les deux responsables indépendantistes incarcérés lundi soir sont Jordi Cuixart et Jordi Sanchez. Ils dirigent les deux principales associations indépendantistes de Catalogne, Omnium Cultural et l'Assemblée nationale catalane (ANC), à l'énorme capacité de mobilisation.
Il s'agissait du dernier soubresaut de la crise opposant les séparatistes au pouvoir en Catalogne, une région où vivent 16% des Espagnols, aux institutions espagnoles, les premiers menaçant de déclarer l'indépendance de manière unilatérale.
Bien que la société catalane soit divisée presque à parts égales sur l'indépendance, ils estiment que leur cause est légitimée par le référendum interdit du 1er octobre, qu'ils disent avoir emporté avec 90% des voix et 43% de participation.
Et le fossé entre Madrid et Barcelone ne cesse de se creuser.
"Nous entrons dans une nouvelle phase de mobilisations, comme toujours elles seront pacifiques. (...) Il s'agira d'actions directes, impliquant la force de la citoyenneté", a prévenu un porte-parole d'Omnium, Marcel Mauri.
Jordi Cuixart et Jordi Sanchez appartiennent au noyau dur des responsables indépendantistes qui, aux côtés de Carles Puigdemont, ont planifié le référendum.
La juge a estimé qu'ils risquaient de "détruire des preuves" et "récidiver", expliquant qu'ils appartenaient à un "groupe organisé" dont le but est de rechercher "en dehors de la légalité" l'indépendance de la Catalogne.
Ils sont soupçonnés d'avoir poussé des centaines de personnes le 20 septembre à Barcelone à bloquer la sortie d'un bâtiment où des gardes civils menaient des perquisitions, en lien avec l'organisation du référendum.
Mais leur incarcération est ressentie comme un acte de "répression" par beaucoup en Catalogne.
"Il n'y a pas de prisonniers politiques, mais des politiques en prison", a rétorqué mardi le ministre de la Justice Rafael Catala.
Ce qui s'est produit le 20 septembre n'était "ni pacifique ni civique", a renchéri le préfet de Catalogne Enric Millo.
Toujours sur le front judiciaire, la Cour constitutionnelle espagnole a définitivement annulé, a posteriori, la loi catalane organisant le référendum. Dans son arrêt, elle souligne qu'il n'existe pas un droit à l'autodétermination pour les peuples d'Espagne".
Carles Puigdemont laisse toujours planer la possibilité d'une déclaration unilatérale d'indépendance, alors que M. Rajoy refuse tout dialogue tant que les séparatistes ne lèvent pas cette menace.
Carles Puigdemont est, lui, tiraillé : il est pressé par ses alliés les plus radicaux d'aller de l'avant, tandis que les milieux d'affaires s'inquiètent des conséquences économiques de la crise. Près de 700 entreprises basées en Catalogne ont transféré leur siège social ailleurs depuis début octobre.
Les événements secouent même la planète foot. Mardi, un important appel d'offres sur les droits TV du championnat d'Espagne à l'international a été différé d'environ deux semaines, en raison de l'inquiétude suscitée par une possible exclusion du FC Barcelone en cas de déclaration d'indépendance.