Invitée à la foire du livre de Francfort pour présenter l'édition en allemand de l'ouvrage dans lequel elle raconte son histoire ("Daring to drive", non traduit en français), la jeune femme de 38 ans a déjà les yeux rivés sur sa prochaine lutte: l'abolition de la tutelle légale masculine en Arabie saoudite. "Le temps du silence est fini", affirme à l'AFP la Saoudienne, qui a refait sa vie en Australie mais retourne régulièrement en Arabie saoudite.
"Parler plus fort, c'est le seul moyen d'apporter une prise de conscience et de faire évoluer les choses", ajoute-t-elle, trois semaines après un décret royal historique autorisant les femmes à passer le permis de conduire.
En Arabie saoudite, où règne un islam rigoriste et une ségrégation des sexes, la tutelle masculine est imposée par la loi aux femmes. Pour voyager, entrer à l'université ou pour nombre d'actes du quotidien, elles doivent obtenir l'aval d'un tuteur, toujours un homme, généralement le père, le mari ou le frère. Cette tutelle masculine "a empêché de nombreuses femmes de poursuivre leurs rêves", affirme Mme al-Sharif, qui porte un bracelet en plastique bleu sur lequel est inscrit: "Je suis ma propre gardienne" avec la photo d'une voiture. "Nous ne sommes pas inférieures. Nous sommes capables de mener notre propre vie", dit cette mère de deux enfants.
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Dans son livre, elle raconte comment, issue d'une famille pauvre de la Mecque, elle est parvenue à étudier pour devenir finalement la première femme du Royaume spécialiste des systèmes de sécurité dans la compagnie nationale pétrolière Aramco. Elle revient aussi sur son emprisonnement durant neuf jours après avoir publié sur internet une vidéo la montrant en train de conduire un véhicule en 2011 dans son pays, un acte alors interdit. Cette vidéo s'inscrivait dans le cadre de sa campagne "Woman2drive" pour faire pression sur les autorités saoudiennes.
Finalement, fin septembre, l'Arabie saoudite a brisé un tabou: le roi Salmane a ordonné la délivrance de permis de conduire "indifféremment aux hommes et aux femmes", selon un décret qui a résonné comme un séisme dans le royaume. Cette mesure doit entrer en vigueur à partir de juin 2018 et s'inscrit dans le cadre d'un vaste programme de réformes économiques et sociales baptisé "Vision 2030", qui vise à diversifier l'économie saoudienne encore trop dépendante du pétrole. "Je pense que cela va être la chose la plus libératrice", s'enthousiasme Manal al-Sharif à Francfort. "J'ai pleuré, j'étais si excitée" quand j'ai appris que nous allions pouvoir conduire, poursuit-elle.
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"La première chose que j'ai twittée, c'est "l'Arabie saoudite ne sera plus jamais pareille, je l'appelle la nouvelle Arabie saoudite pour les femmes". Fin septembre, les femmes ont également été admises pour la première fois dans un stade à Ryad, un geste qui s'inscrit également dans le cadre du plan "Vision 2030". Des hommes et des femmes ont également dansé dans les rues.
Son livre doit paraître en arabe en novembre et la jeune femme est impatiente de découvrir les réactions qu'il va susciter dans son pays natal. "Je sais que le prix à payer pour faire entendre ma voix sera élevé", dit-elle. "Dans mon pays on dit toujours aux femmes de rester silencieuses", souligne-t-elle. "Cela a conduit à tant d'injustices en ce qui concerne les droits des femmes".