"La Catalogne, c'est nous tous!": c'est sur ce même slogan que les organisateurs de ce nouveau rassemblement avaient déjà réussi à mobiliser plusieurs centaines de milliers de personnes contre la sécession, le 8 octobre.
Témoignage de la profonde division de la société catalane, le défilé prévu dimanche intervient après un rassemblement de dizaines de milliers de personnes vendredi soir, pour la naissance de la "République", célébrée dans le vieux quartier gothique avec des feux d'artifice.
L'appel de l'association organisatrice, la Société civile catalane, est assorti de deux mots: "coexistence" et surtout "seny", ce "bon sens" supposé réunir une majorité des Catalans face à ce que les détracteurs des indépendantistes qualifient de fuite en avant ou de "déraison".
Leur but est clair: démontrer que la réalité de ce territoire grand comme la Belgique reste très nuancée.
La région de Salvador Dali, par moments rebelle, aux relations toujours complexes avec Madrid, a sa propre langue et sa propre culture, mais sur ses 7,5 millions d'habitants, plus de la moitié viennent d'ailleurs ou sont enfants d'immigrés d'autres régions d'Espagne.
De même, elle vit imbriquée dans la péninsule ibérique, comme en témoignent les milliers de personnes qui vont et viennent dans le TGV entre Madrid et Barcelone chaque jour.
La manifestation se produira alors que Madrid cherche au plus vite à reprendre en main la Catalogne, dont la déclaration d'indépendance n'a obtenu aucune reconnaissance internationale et où les drapeaux de l'Espagne restent visibles sur les bâtiments de l'État.
Officiellement, la région est désormais dirigée directement par la numéro 2 du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, tout le gouvernement catalan, et jusqu'à 150 hauts responsables de l'administration selon la presse, ayant été destitués.
Une des premières décisions de Madrid a ainsi été de remplacer l'emblématique chef de la police catalane, Josep Lluis Trapero, jugé trop proche des indépendantistes.
Le gouvernement espagnol avait reçu l'autorisation du Sénat vendredi de mettre en oeuvre l'article 155 de la Constitution, jamais utilisé, pour prendre les rênes de la région et y "restaurer l'ordre constitutionnel", alors que déjà plus de 1.600 entreprises ont entrepris de déménager leur siège social par crainte de l'instabilité. Et il a en ligne de mire l'organisation d'élections régionales le 21 décembre, dans moins de deux mois.
La manifestation de dimanche aura donc sans doute aussi des airs de pré-campagne électorale, car les trois partis qui en Catalogne prônent le maintien de la région au sein de l'Espagne -Ciudadanos (libéral), le Parti socialiste catalan et le Parti populaire de Mariano Rajoy- y seront représentés.
En septembre 2015, les indépendantistes avaient obtenu 47,8% des suffrages. Près de 51% des voix étaient allées à des partis soutenant un référendum légal d'autodétermination ou le maintien en Espagne.
Les séparatistes étaient cependant majoritaires au Parlement, avec 72 sièges sur 135, par le jeu de la pondération des voix en faveur des régions les plus rurales.
"Nous avons une occasion en or. La majorité des Catalans contrainte au silence depuis des années sait qu'il faut se mobiliser en masse", a estimé dès vendredi soir Ines Arrimadas, la chef en Catalogne du parti Ciudadanos, fer-de-lance de la lutte contre les indépendantistes.
Mais les séparatistes ne s'avouent pas vaincus.
Samedi, leur chef de file Carles Puigdemont, destitué de son poste de président catalan par Madrid, a dans une allocution télévisée appelé les siens à s'opposer pacifiquement à la mise sous tutelle de l'État.
Le dirigeant séparatiste n'a pas précisé de quelle manière cette opposition doit se manifester. Mais depuis plusieurs jours, des Comités de défense de la République issus des quartiers appellent à la "résistance pacifique".
Le quotidien El Pais rapportait aussi samedi qu'un gouvernement parallèle, issu de l'Association des municipalités pour l'indépendance, pourrait être mis en place.
Mais c'est surtout la rue qui pourrait avoir le dernier mot, déclarait à l'AFP samedi Jaume Alonso-Cuevillas, l'avocat de Carles Puigdemont.
"Cela dépendra des citoyens (...). Les fonctionnaires qui recevront des instructions: écouteront-ils le préfet, armé de l'article 155 (qui permet la mise sous tutelle) de la Constitution, ou le gouvernement de la Généralité?".
"On verra dans les prochains jours et semaines qui gagne la partie".