Dans le même temps, deux hommes liés à l'un des meurtriers du père Jacques Hamel, tué mardi en Normandie, ont été inculpés et placés en détention, a annoncé le parquet de Paris.
Ils étaient plus de cent musulmans dans la matinée à l'intérieur de la cathédrale de Rouen (nord-ouest), mêlés à la foule des quelque 2.000 fidèles qui se pressaient pour une messe à la mémoire de ce curé de 85 ans égorgé dans l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray par deux jeunes de 19 ans se réclamant de l'organisation Etat islamique (EI).
"Amour pour tous, haine pour personne", pouvait-on lire sur une affiche accrochée dans l'édifice par une association musulmane.
La présence des musulmans est "un geste courageux", "un geste de paix", a souligné l'archevêque de Rouen, Mgr Dominique Lebrun. "Vous affirmez ainsi que vous refusez les morts et les violences au nom de Dieu. Comme nous l'avons entendu de vos bouches que nous savons sincères, ce n'est pas l'islam", a-t-il souligné.
Le pape François lui-même, dans l'avion qui le ramenait dimanche soir des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) en Pologne, a refusé de faire l'amalgame entre islam et violences.
"Tous les jours quand j'ouvre les journaux, je vois des violences en Italie, quelqu'un qui tue sa petite amie, un autre qui tue sa belle-mère, et ce sont des catholiques baptisés", a-t-il expliqué.
"Si je dois parler de violences islamiques, je dois aussi parler de violences chrétiennes. Dans presque toutes les religions, il y a toujours un petit groupe de fondamentalistes. Nous en avons nous aussi", a-t-il insisté.
A Bordeaux (sud-ouest), l'imam de la mosquée, Tareq Oubrou, s'est rendu à l'église Notre-Dame accompagné d'une délégation d'une dizaine d'hommes, de femmes et d'enfants.
A Nice (sud-est), ville endeuillée par un attentat lui aussi revendiqué par l'EI qui a fait le 14 juillet 84 morts et 435 blessés, dont de nombreux musulmans, l'église Saint-Pierre-de-l'Ariane a quant à elle reçu la visite de l'imam Otman Aissaoui et d'un groupe de fidèles. "Etre uni est une réponse à ces actes d'horreur et de barbarie", a souligné le religieux.
Tous répondaient à un appel inédit du Conseil français du culte musulman, qui a également été relayé en Italie où, de Milan au nord à Palerme au bout de la Sicile, de petites délégations d'imams, de responsables et de fidèles se sont rendues dans les églises.
Cette initiative rompt avec une certaine frilosité des musulmans pratiquants à s'exprimer dans l'espace public. Après les attentats contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, des policiers et un magasin casher (17 morts), leur faible présence à la manifestation monstre du 11 janvier 2015 leur avait été reprochée.
"Nous devons répondre à l'interpellation de la société française qui nous dit «mais qui êtes vous ? Que faites vous ?»", ont lancé une quarantaine d'entre eux dans une tribune publiée par le Journal du Dimanche, rappelant qu'"aujourd'hui les musulmans de France sont à 75% (des citoyens) français" et doivent prendre toute leur place dans la société.
Médecins, universitaires, chefs d'entreprise, artistes, "musulmans de foi et de culture", ils ont appelé à livrer "enfin la bataille culturelle contre l'islam radical".
Ils ont souligné la nécessité de réorganiser l'islam de France "qui n'a aucune prise sur les évènements", une préoccupation rejoignant celle du Premier ministre Manuel Valls.
Dans le même journal, celui-ci estime que si "l'islam a trouvé sa place dans la République", il y a "urgence" à "bâtir un véritable pacte" avec cette religion, la deuxième en importance en France.
Selon M. Valls, il faudrait "revoir certaines règles pour tarir les financements extérieurs" du culte musulman "et accroître en compensation les possibilités de levées de fonds" en France.
Dans un précédent entretien avec le quotidien Le Monde, le Premier ministre souhaitait notamment que "les imams soient formés en France et pas ailleurs".
De son côté, l'enquête a permis d'établir que les deux assassins du prêtre, Abdel Malik Petitjean et Adel Kermiche, se sont rencontrés via le système de messagerie chiffrée Telegram quelques jours seulement avant leur passage à l'acte, selon plusieurs médias. Adel Kermiche y aurait décrit par avance le mode opératoire de l'attentat, mentionnant "un couteau" et "une église".
Les deux jeunes avaient été repérés chacun de leur côté par les services antiterroristes sans que leur projet ait été détecté. Adel Kermiche, qui était inculpé pour avoir tenté de partir en Syrie, était sous surveillance électronique dans l'attente de son procès.
Par ailleurs, les deux hommes liés à Abdel Malik Petitjean mis en examen dimanche et écroués sont son cousin Farid K., 30 ans, et Jean-Philippe J., un homme de 20 ans qui avait tenté de rejoindre la Syrie en juin avec Petitjean.