Au lendemain de son appel au calme et de sa promesse "d'un plus grand espace pour les critiques", le président Hassan Rohani a averti lundi que "le peuple iranien répondra aux fauteurs de troubles", une "petite minorité" selon lui.
Revenant à la charge contre le régime iranien, ennemi juré des Etats-Unis, le président Donald Trump a affirmé que "le temps du changement" était venu en Iran, après avoir dit que "les régimes oppresseurs ne peuvent perdurer à jamais".
Pour la quatrième nuit consécutive, des manifestants sont descendus dimanche soir dans la rue dans plusieurs villes du pays, dont la capitale Téhéran, pour protester contre le gouvernement et les difficultés économiques - chômage, vie chère et corruption.
Selon des vidéos mises en ligne par les médias iraniens et sur les réseaux sociaux, les manifestants ont attaqué et parfois incendié des bâtiments publics, des centres religieux, des banques ou des sièges du Bassidj (milice islamique du régime). Ils ont aussi mis le feu à des voitures de police.
Au total, 12 personnes, dont dix manifestants, ont péri dans les violences qui ont émaillé les protestations, parties jeudi de Machhad, la deuxième ville du pays, avant de se propager à travers le territoire.
Les autorités affirment que les forces de l'ordre ne tirent pas sur les manifestants et accusent "des fauteurs de troubles" ou des "contre-révolutionnaires" armés de s'infiltrer parmi eux.
Dimanche soir, huit manifestants ont péri à Toyserkan (ouest) et Izeh (sud-ouest), selon les médias. A Doroud (ouest), deux passagers à bord d'une voiture ont péri quand leur véhicule a été percuté par un camion de pompiers volé par des manifestants qui l'ont lâché du haut d'une pente, selon le préfet. Samedi, deux manifestants avaient été tués.
Les manifestations se sont poursuivies en dépit du blocage par les autorités sur les téléphones portables des messageries Telegram et Instagram, utilisées pour appeler à manifester.
Elles sont les premières de cette ampleur depuis le mouvement de contestation en 2009 contre la réélection de l'ex-président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad. Trente-six personnes avaient été tuées selon un bilan officiel et 72 selon l'opposition dans la répression de ce mouvement.
Dans une nouvelle déclaration, M. Rohani a prévenu lundi que "le peuple iranien répondra aux fauteurs de troubles", une "petite minorité qui insulte les valeurs révolutionnaires".
"Notre économie a besoin d'une grande opération de chirurgie, nous devons tous être unis", a dit encore M. Rohani, insistant sur la détermination du gouvernement à "régler les problèmes de la population", en particulier le chômage.
De son côté, le chef du pouvoir judiciaire, Sadegh Larijani, a affirmé que "ceux ayant des revendications justes doivent l'exprimer de manière légale", et qu'il fallait "agir avec force contre ceux qui commettent des actes de sabotage et propagent le chaos", selon la télévision.
M. Rohani, élu pour un second mandant en mai 2017, a permis à l'Iran de sortir de son isolement avec la levée de sanctions internationales qui avaient été imposées pour dénoncer les activités nucléaires sensibles du pays.
Cette levée de sanctions avec la signature en 2015 d'un accord historique avec les grandes puissances sur le programme nucléaire iranien avait fait espérer aux Iraniens une amélioration de la mauvaise situation économique, mais les fruits de cet accord se font toujours attendre.
Face aux protestations antigouvernementales, des manifestations de soutien au pouvoir et contre les "fauteurs de troubles" ont été organisées lundi dans plusieurs villes du pays, dont Rasht, Zanjan, Ahvaz et Takestan.
Depuis le début des troubles, quelque 400 personnes ont été arrêtées, dont 200 à Téhéran, selon les médias. Mais une centaine ont ensuite été libérées.
"Ce qui fait descendre les Iraniens dans la rue le plus souvent, ce sont des problèmes économiques ordinaires --la frustration face au manque d'emplois, l'incertitude par rapport à l'avenir de leurs enfants", explique à l'AFP Esfandyar Batmanghelidj, fondateur du Europe-Iran Business Forum.
Selon cet expert, les troubles ont été provoqués par les mesures d'austérité de M. Rohani, comme les réductions des budgets sociaux ou les augmentations des prix des carburants.
Dans une nouvelle réaction aux protestations en Iran, M. Trump a écrit sur Twitter "Le grand peuple iranien est réprimé depuis des années. Il a faim de nourriture et de liberté (...) Il est temps que ça change".
La veille, M. Rohani avait affirmé que Donald Trump avait toujours "agi contre l'Iran" et qu'il n'était pas en droit de compatir avec les Iraniens.