"Nous attendons encore et toujours une solution qui ne se dessine malheureusement pas. C'est pourquoi j'ai maintenant moi-même décidé d'accoster dans le port", a-t-elle déclaré dans une vidéo relayée par Sea-Watch sur les réseaux sociaux.
Mercredi, cette Allemande de 31 ans, aux commandes du navire battant pavillon néerlandais, avait forcé le blocus des eaux territoriales italiennes imposé par le ministre de l'Intérieur, Matteo Salvini (extrême droite). Mais le navire avait dû s'arrêter à un mille en face du petit port de Lampedusa et restait bloqué là depuis.
Carola Rackete a finalement choisi de forcer le passage au beau milieu de la nuit, malgré la vedette de police chargée de l'en empêcher. "Nous nous sommes mis devant pour l'empêcher d'entrer dans le port mais rien (...). Si on était restés sur le chemin, (le Sea-Watch) aurait détruit la vedette", a commenté devant des caméras un policier qui se trouvait à bord.
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Un peu avant 3H (1H GMT), la police est montée à bord pour arrêter la jeune femme pour résistance ou violence envers un navire de guerre. La capitaine, qui risque jusqu'à 10 ans de prison selon les médias italiens, est descendue du navire encadré par des agents, sans menottes, avant d'être emmenée en voiture.
Sur le quai, des habitants et militants sont venus acclamer l'arrivée du navire, tandis que d'autres ont applaudi l'arrestation aux cris de "Les menottes!", "Honte!", "Va-t'en!"
Si les pêcheurs et les habitants de Lampedusa ont été en première ligne de l'accueil des migrants depuis près de 30 ans, la Ligue de Matteo Salvini a obtenu 45% des voix aux élections européennes de mai sur l'île.
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"Nous sommes fiers de notre capitaine", a écrit sur les réseaux sociaux le président de l'ONG allemande, Johannes Bayer. "Elle a exactement fait ce qu'il fallait, elle a insisté sur le droit de la mer et a mis les gens en sécurité".
Cinq pays d'accueil
Le parquet d'Agrigente (Sicile) avait ouvert une enquête jeudi contre Carola Rackete pour aide à l'immigration clandestine et non-respect de l'ordre d'un navire militaire italien de ne pas pénétrer dans les eaux territoriales italiennes.
Les migrants ont pu débarquer peu après 5H30 (3H30 GMT), certains tout sourire, d'autres en larmes, alors que le jour se levait, pour être conduits dans le centre d'accueil de l'île. Malgré la fermeté affichée par M. Salvini, ce centre n'est jamais vide: Lampedusa a vu débarquer plus de 200 migrants pendant les deux semaines où le Sea-Watch est resté bloqué au large de l'île. Et plusieurs embarcations de fortune ont été signalées dans la nuit au large. Juste après, le Sea-Watch, conduit par les garde-côtes, est reparti pour s'ancrer au large.
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Les migrants du Sea-Watch avaient été secourus dans les eaux internationales au large de la Libye. Au fur et à mesure, 13 d'entre eux avaient été évacués vers Lampedusa, essentiellement pour des raisons médicales. Pour les 40 restants, c'était encore l'incertitude.
Vendredi après-midi, le ministre italien des Affaires étrangères, Enzo Moavero, avait annoncé que cinq pays européens (France, Allemagne, Portugal, Luxembourg et Finlande) étaient disposés à les accueillir.
La Commission européenne exigeait que les migrants soient à terre avant d'organiser la répartition, tandis que M. Salvini refusait de les laisser descendre avant d'avoir l'assurance qu'ils seront immédiatement transférés aux Pays-Bas, en Allemagne ou dans d'autres pays européens.
Dans le même temps, le navire de l'ONG espagnole Proactiva Open Arms patrouillait au large de la Libye, malgré la menace d'une amende de 200.000 à 900.000 euros brandie par les autorités espagnoles.
"Si je dois payer par la prison ou par une amende le fait de sauver les vies de quelques personnes, je le ferai", a assuré Oscar Camps, fondateur de l'ONG.