Stepanakert, la capitale de cette république autoproclamée, était largement plongée dans le noir mercredi soir. Mercredi soir vers minuit, deux explosions d'origine indéterminée y ont retenti, alors que des sirènes hurlaient.
Dans la journée, les bruits des combats sur la ligne de front n'atteignaient la ville qui, selon les autorités locales, a essuyé des bombardements dimanche.
Mercredi soir, Moscou et Paris ont appelé à un arrêt "complet" des combats. "Vladimir Poutine et Emmanuel Macron ont appelé les parties au conflit à cesser complètement le feu et, dès que possible, à faire redescendre les tensions et à montrer le maximum de retenue", a déclaré le Kremlin à la suite d'une conversation téléphonique entre les présidents russe et français.
Plus tôt, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait proposé "une rencontre des chefs des diplomaties de l'Azerbaïdjan, de l'Arménie et de la Russie" à Moscou, réitérant un appel au cessez-le-feu.
Un appel d'autant plus urgent que la Russie a fait état du déploiement dans la zone du conflit de combattants "venant notamment de Syrie et de Libye", de quoi "provoquer une escalade" dans toute la région.
Moscou a exhorté, sans préciser ses allégations, à ne pas permettre l'arrivée de "terroristes étrangers et de mercenaires".
L'Arménie avait accusé des alliés syriens de la Turquie d'avoir été recrutés pour combattre au Karabakh, ce que l'Azerbaïdjan avait démenti, reprochant en retour à Erevan de déployer des hommes en armes ayant pris part à la guerre en Syrie.
"Des mercenaires venus des pays du Moyen-Orient se battent contre nous aux côtés des forces arméniennes", a affirmé mercredi à l'AFP Hikmet Khadjiyev, un conseiller du président azerbaïdjanais Ilham Aliev.
Une internationalisation du conflit risque de déstabiliser une région où des puissances comme la Russie et la Turquie sont déjà en concurrence.
Avant cela, à Bakou, après avoir rendu visite dans un hôpital à des militaires blessés, le président Aliev a juré de poursuivre la lutte jusqu'au "retrait total, inconditionnel et sans délai" des forces arméniennes.
Ce n'est qu'à cette condition que "les combats s'arrêteront", a-t-il insisté.
Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian avait quant à lui fermé la porte à des négociations dans la matinée, jugeant "inapproprié" un éventuel sommet de la paix "alors que des combats intenses sont en cours".
Quelques heures plus tôt, un Conseil de sécurité de l'ONU avait pourtant appelé à mettre fin aux hostilités.
La Russie, un des pays les plus influents dans le Caucase du Sud, entretient des relations cordiales avec les deux belligérants, d'anciennes républiques soviétiques.
L'Arménie fait toutefois partie d'une alliance militaire dominée par Moscou, qui fournit pour sa part des armes aux deux camps.
La Russie, la France et les Etats-Unis, qui coprésident depuis 1992 le groupe de Minsk sur le Karabakh constitué dans le cadre de l'Organisation sur la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ne sont pas parvenus à trouver un règlement durable au conflit pour ce territoire en majorité peuplé d'Arméniens et qui a fait sécession de l'Azerbaïdjan. Une guerre au début des années 1990 y avait fait 30.000 morts.
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Vladimir Poutine et Emmanuel Macron se sont dits "disposés" à l'adoption d'un communiqué qui serait publié au nom des coprésidents du groupe de Minsk et appellerait à la fin "immédiate" des hostilités et au début de discussions.
Selon des bilans officiels, probablement très partiels, les combats qui ont éclaté dimanche ont coûté la vie à 127 personnes, à savoir 104 combattants séparatistes arméniens et 23 civils.
L'Azerbaïdjan n'a pas annoncé de pertes militaires. Un journaliste de l'AFP a cependant assisté dans la région azerbaïdjanaise de Beylagan à l'enterrement d'un soldat, tombé au combat selon les habitants.
Devant des centres militaires à Bakou comme à Erevan, des dizaines d'hommes de tous âges se portaient volontaires au combat, selon les journalistes de l'AFP.
Le ministère azerbaïdjanais de la Défense assure que depuis dimanche 2.300 séparatistes arméniens ont été tués. Il revendique aussi la destruction de 130 chars et de 200 pièces d'artillerie.
Le ministère arménien de la Défense a de son côté affirmé avoir détruit notamment plus de 150 chars et autres blindés, sept hélicoptères et a déclaré que des centaines de soldats azerbaïdjanais avaient péri.
L'ensemble de ces données était invérifiable de source indépendante.
Dans les deux pays, où les discours belliqueux résonnent depuis des semaines, la mobilisation et la loi martiale ont été décrétées.
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L'Azerbaïdjan dit avoir obtenu des gains territoriaux, alors que le Nagorny Karabakh assure avoir regagné des positions perdues.
L'Arménie a continué d'accuser la Turquie d'assister militairement l'Azerbaïdjan, dans les airs en particulier, et d'avoir abattu mardi un de ses avions, ce qu'Ankara et Bakou démentent.
Une intervention militaire directe turque constituerait un tournant majeur et une internationalisation du conflit, un éventuel scénario catastrophe.
La Turquie est la seule puissance à ne pas avoir appelé à un cessez-le-feu, incitant son allié azerbaïdjanais à reprendre le Karabakh par la force et conspuant l'Arménie, son adversaire historique.
"Le vrai ennemi est la Turquie", a accusé mercredi soir le dirigeant du Nagorny Karabakh, Araïk Haroutiounian, devant la presse, estimant qu'il fallait se préparer à une "longue guerre".
Le Kremlin a reproché à la Turquie, avec laquelle Moscou entretient des relations compliquées mais pragmatiques, de jeter "de l'huile sur le feu".
Le président français Emmanuel Macron a quant à lui condamné les déclarations "inconsidérées et dangereuses" d'Ankara.