A l'heure à laquelle le puissant architecte de la stratégie iranienne au Moyen-Orient était tué vendredi dernier sur ordre du président américain Donald Trump, l'Iran a lancé son "opération Martyr Soleimani".
En une demi-heure, 22 missiles sol-sol se sont abattus sur deux bases irakiennes, Aïn al-Assad (ouest) et Erbil (nord), où sont stationnés certains des 5.200 soldats américains déployés en Irak.
Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei a qualifié l'opération de "gifle en pleine face" des Etats-Unis. "Les actions militaires du genre ne sont pas suffisantes pour cette affaire", a-t-il néanmoins relevé, ajoutant qu'il était nécessaire que "la présence corrompue des Etats-Unis dans la région prenne fin".
"Nous ne cherchons pas l'escalade ou la guerre, mais nous nous défendrons", a abondé Mohammad Javad Zarif, chef de la diplomatie iranienne, expliquant que les représailles "proportionnées" de la nuit étaient "terminées".
Ces raids, qui selon l'armée irakienne n'ont pas fait de victime dans ses rangs, n'ont pas suscité de riposte immédiate, mais font redouter une escalade régionale et un conflit ouvert.
Paris et Londres, dont des forces sont présentes en Irak dans le cadre de la coalition internationale antijihadistes, ont indiqué que les frappes de missiles n'avaient pas fait de victime dans leurs rangs.
Berlin a condamné l'attaque, tout comme Londres qui a exprimé sa "préoccupation" quant à des "informations faisant état de blessés".
"L'évaluation des dégâts et des victimes est en cours. Jusqu'ici, tout va bien!", a écrit sur Twitter Donald Trump, ajoutant qu'il ferait une déclaration mercredi.
Selon des informations de presse citant un responsable américain, les forces de la coalition ont été prévenues à l'avance des frappes mais la provenance de cet avertissement n'était pas claire.
"Via nos canaux de renseignement, nous avons été avertis qu'une possible attaque était imminente", a déclaré à l'AFP un porte-parole de l'armée norvégienne, qui compte environ 70 soldats sur la base d'Aïn al-Assad.
Pour le spécialiste des groupes chiites armés Phillip Smyth, "des missiles balistiques ouvertement lancés depuis l'Iran sur des cibles américaines marquent une nouvelle phase".
L'Iran "a envoyé une réponse publique et d'ampleur pour envoyer un signal", la suite, affirme-t-il à l'AFP, pourrait être confiée "aux agents de l'Iran", les nombreuses factions armées pro-Téhéran en Irak, au Liban, en Syrie ou ailleurs.
Déjà, les paramilitaires pro-Iran en Irak ont promis une réponse "pas moins importante" que celle de l'Iran.
Signe que de nouvelles violences sont redoutées, l'agence fédérale de l'aviation américaine (FAA) a interdit aux avions civils américains le survol de l'Irak, de l'Iran et du Golfe.
Peu après, un Boeing ukrainien s'est écrasé après son décollage de Téhéran en direction de Kiev, faisant environ 170 morts -majoritairement des Iraniens et des Canadiens- sans que la cause de ce crash ne soit connue.
Les cours du pétrole se sont envolés de plus de 4,5% ce mercredi matin en Asie, avant de ralentir leurs gains.
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Les Gardiens de la révolution, l'armée idéologique iranienne, ont conseillé à Washington de rappeler ses troupes du Moyen-Orient pour "éviter de nouvelles pertes". Ils ont aussi menacé "des gouvernements alliés" des Etats-Unis, en premier lieu les Etats du Golfe, pris entre Iran et Irak, et Israël.
Dans les rues d'Iran, les funérailles du général Qassem Soleimani, assassiné à Bagdad avec l'Irakien Abou Mehdi al-Mouhandis, leader des paramilitaires pro-Iran désormais intégrés aux forces de sécurité irakiennes, ont été jusqu'à mardi soir ponctués d'appels à la "vengeance", au cri de "Mort à l'Amérique".
L'immense cortège à Kerman (sud-est), ville natale du général, a été endeuillé mardi par une bousculade qui a fait 56 morts et 213 blessés, selon le dernier bilan officiel publié par les médias locaux.
Avant même les frappes de la nuit, plusieurs Etats membres de la coalition antijihadistes emmenée par les Etats-Unis ont annoncé sortir leurs soldats d'Irak, après des dizaines de tirs de roquettes depuis des semaines sur des bases les abritant.
Si la France et l'Italie ont fait savoir leur intention de rester en Irak, les Canadiens et les Allemands ont annoncé hier, mardi 7 janvier, le redéploiement d'une partie de leurs soldats vers la Jordanie et le Koweït. L'Otan a décidé de retirer temporairement une partie de son personnel d'Irak.
Donald Trump, lui, écarte tout départ d'Irak, même si un cafouillage américain à Bagdad a pu laisser croire le contraire. Par erreur, selon le Pentagone, les Américains ont annoncé à Bagdad le début de leur retrait puisque le Parlement irakien venait de réclamer leur expulsion.
Un retrait des troupes américaines "serait la pire chose qui puisse arriver à l'Irak", a déclaré le locataire de la Maison Blanche.
Après le vrai-faux retrait total des troupes américaines de Syrie, annoncé par Donald Trump à deux reprises depuis un an avant qu'il ne fasse volte-face, il s'agit d'un nouveau coup porté à la lutte contre le groupe Etat islamique (EI), qui conserve des cellules jihadistes en Irak et en Syrie malgré sa défaite territoriale.
Le raid à Bagdad qui a tué Soleimani a galvanisé le sentiment anti-américain au Moyen-Orient et créé un rare consensus contre Washington jusque dans les rangs des opposants au régime iranien.
Le Parlement iranien a décrété toutes les forces armées américaines comme "terroristes" et peu après les factions pro-Iran en Irak annonçaient avoir formé un front commun pour coordonner avec l'Iran et le Hezbollah libanais allié de Téhéran "une réponse sévère et étudiée aux forces américaines terroristes".
"Les Marines américains doivent rentrer dans leurs repaires immédiatement pour préparer leurs cercueils parce que 'les bataillons de la résistance internationale' ont été formés", menacent ces puissants groupes armés.
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A Washington, Donald Trump a par ailleurs semblé revenir sur sa menace de frapper des sites culturels iraniens, affirmant qu'il "aime respecter la loi".
Le débat fait déjà rage sur la légalité du tir de drone qui a pulvérisé la voiture dans laquelle se trouvait Soleimani, qui plus est dans un pays tiers, même si son secrétaire d'Etat Mike Pompeo assure que Donald Trump avait "les bases légales appropriées".
Le chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, lui, devait assister demain, jeudi 9 janvier 2020, à une réunion du Conseil de sécurité à l'ONU à New York, mais a affirmé que son visa américain lui avait été refusé.