"Pas de demi-révolution", titre en "une" l'édition week-end du quotidien El Watan, appelant à continuer à manifester jusqu'au départ du "système" dans son entier. Des appels similaires continuent d'être relayés sur les réseaux sociaux.
"Nous voulons que ce système dégage et que tous les voleurs soient jugés", déclare Zohra, enseignante de 55 ans, venue de Jijel, à 350 km de route avec son fils Mohamed, 25 ans.
De nombreux manifestants ont rejoint en début d'après-midi, après la grande prière musulmane du vendredi, les centaines de protestataires qui s'étaient rassemblés dès le matin devant la Grande Poste, bâtiment emblématique du coeur d'Alger, devenu le point de ralliement de la contestation.
Les milliers de manifestants scandent "Système, dégage!", "Vous avez pillé le pays, voleurs!".
D'importants embouteillages bloquent les entrées de la capitale, en raison de barrages filtrants dressés par les forces de l'ordre, ont indiqué des manifestants.
Les protestataires pourraient être encouragés à poursuivre leur mouvement, à l'issue d'une semaine marquée par de nouveaux limogeages, des convocations judiciaires et poursuites annoncées contre des caciques du régime et le placement en détention provisoire de riches hommes d'affaires.
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D'autant que le pouvoir ne cède pas sur l'essentiel des revendications: Abdelkader Bensalah, apparatchik ayant accompagné Abdelaziz Bouteflika au long de ses 20 ans au pouvoir jusqu'à sa démission le 2 avril, est toujours chef de l'Etat par intérim. Et Noureddine Bedoui, autre fidèle dévoué, toujours Premier ministre d'un "gouvernement de la honte", comme le nomment les manifestants.
Les manifestants refusent particulièrement que les structures et figures de l'appareil hérité de M. Bouteflika organisent la présidentielle fixée au 4 juillet et réclament une transition dirigée par des structures ad hoc.
"On refuse cette élection du 4 juillet", dit Mohamed, 23 ans, serveur. "Comment des mafieux et des fraudeurs peuvent organiser des élections honnêtes? On marchera jusqu'à ce qu'ils comprennent!", renchérit son ami Samir, présent avec lui au rassemblement.
L'armée, replacée au centre de la vie politique depuis le départ de Bouteflika, continue à insister pour que la présidentielle se tienne dans les délais prévus par la Constitution.
L'incarcération en début de semaine de trois frères Kouninef, famille propriétaire d'un géant privé du BTP algérien, bénéficiaires de gigantesques contrats publics, ne peut que satisfaire la contestation qui depuis le 22 février dénonce aussi les liens troubles entre la présidence Bouteflika et les "oligarques".
Pour Mohamed, le fils de Zohra, "il faut que tout millionnaire ou milliardaire justifie comment il a amassé sa fortune. La justice doit convoquer les autres voleurs".
Réputés proches de Saïd Bouteflika, frère et conseiller abhorré du président déchu, les frères Kouninef sont soupçonnés de "non-respect des engagements contractuels dans la réalisation de projets publics" et "trafic d'influence".
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Mais le placement en détention préventive, simultanément, d'Issad Rebrab, première fortune d'Algérie et patron du conglomérat Cevital, premier employeur privé du pays, qui entretenait des relations notoirement tendues avec l'entourage de Bouteflika, a semé le doute sur les objectifs réels de ces enquêtes.
Une partie de la presse a qualifié "d'injonctions" les appels répétés à "accélérer la cadence" des enquêtes anticorruption, lancés aux autorités judiciaires par le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée et de facto homme fort du pays.
L'armée a dénoncé "une lecture erronée" des déclarations du général Gaïd Salah, et le Parquet a assuré n'avoir subi "aucune pression".
Des observateurs voient dans ces enquêtes une forme de "deal" implicite offert aux manifestants: les têtes des "corrompus" ou des symboles du pouvoir, contre un assouplissement des revendications notamment sur la présidentielle.
Voire une tentative de diviser la contestation, dont au moins une partie a de la sympathie pour Rebrab, qui présente son groupe comme "une victime du +système+ et de sa mafia économique".
Dans la semaine, a été limogé le patron du Club des Pins, luxueuse résidence ultra-protégée réservée aux dignitaires, symbole des privilèges accordés aux personnalités du régime.
Mais aussi le PDG de Sonatrach, géant public des hydrocarbures, entreprise au centre de plusieurs scandales. Le lendemain, la justice annonçait enquêter à nouveau sur l'ancien ministre de l'Energie Chakib Khelil, proche de Bouteflika, qui avait fui l'Algérie car recherché pour une affaire de corruption liée à Sonatrach, avant de rentrer une fois les poursuites abandonnées.
En province, les ministres continuent d'être chahutés lors de leurs déplacements. Jeudi, le ministre du Tourisme, Abdelkader Benmessaoud, a écourté une visite à Saïda (nord-ouest) après avoir été conspué.