Le déploiement policier, plus important que celui des vendredis précédents, dans le centre de la capitale et les arrestations n'ont pas empêché la foule de se rassembler en début de journée près de la Grande Poste et dans les rues du centre-ville après la fin de la grande prière musulmane hebdomadaire en début d'après-midi.
"J'ai observé que la police interpellait systématiquement toute personne portant une banderole", a raconté un manifestant, Mehenna Abdeslam, enseignant à l'Université de Bab Ezzouar à Alger. Mais "nous ne nous arrêterons pas" de manifester.
Un journaliste de l'AFP a constaté l'interpellation d'une femme dans la matinée.
Une rangée de véhicules de police et un cordon de forces anti-émeutes empêchent les manifestants d'approcher de la Grande Poste, bâtiment emblématique du centre d'Alger et point de départ depuis le 22 février des marches du mouvement de contestation inédit contre le régime.
"Territoire" symbolique que s'est approprié la contestation, les marches du bâtiment ont été ceintes dans la semaine de palissades, officiellement pour des raisons de sécurité.
"Ce peuple ne veut pas du pouvoir de l'armée", "Y en a marre des généraux!" et "Gaïd Salah dégage!", scandent les manifestants à l'adresse du général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major de l'armée, devenu de fait l'homme fort du pays depuis la démission le 2 avril du président Abdelaziz Bouteflika sous les pressions conjuguées de la rue et de l'armée.
Pour l'heure aucun incident n'a été signalé et sur les réseaux sociaux sont relayés des appels à ne pas céder aux provocations policières et à préserver le caractère pacifique du mouvement de contestation.
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Le site d'information TSA (Tout sur l'Algérie) a fait état dans la matinée d'"arrestations massives parmi les manifestants" à Alger et d'une "forte présence de femmes policières, une première depuis le début des manifestations pacifiques en Algérie".
Sur son compte Facebook, le militant du Parti socialiste des Travailleurs (PST), Samir Larabi, écrit, photo à l'appui, être "en compagnie d'une vingtaine de citoyens dans un fourgon cellulaire".
Le vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH), Said Salhi a fait état sur Twitter de "patrouilles sillonnant la ville et interpellant toute personne soupçonnée de rejoindre la marche".
Sur Twitter, le journaliste Hamdi Baala du HuffPost Algérie, a dénoncé une "ville quadrillée par le régime qui souhaite l'arrêt des manifestations".
Les manifestants continuent de réclamer comme chaque semaine le démantèlement du "système" au pouvoir et le départ de ses figures, en tête desquelles le président par intérim Abdelkader Bensalah, le Premier ministre Noureddine Bedoui et le général Gaïd Salah, tous anciens fidèles du président Bouteflika.
Ils exigent également l'annulation de la présidentielle organisée le 4 juillet par le pouvoir intérimaire pour élire un successeur à M. Bouteflika, estimant que les structures et personnalités du régime déchu, toujours en place, ne peuvent garantir un scrutin libre et équitable.
A la veille de la date-limite de dépôt des dossiers de candidature, aucun candidat d'envergure ne s'est déclaré et le rejet massif du scrutin laisse craindre une participation étriquée, suscitant de plus en plus d'incertitudes autour de la tenue de la présidentielle.
Si Bensalah et Bedoui sont aux abonnés absents, le général Gaïd Salah a lui été contraint de s'exprimer trois fois en trois jours dans la semaine.
Lundi, il a d'abord opposé une fin de non-recevoir aux revendications de la contestation, estimant "irraisonnable voire dangereux" le départ des figures du "système" et appelant à accélérer les préparatifs de la présidentielle afin d'éviter un "vide constitutionnel" et de juguler "ceux qui veulent faire perdurer la crise".
Mardi, il a appelé les manifestants à "s'unir" avec l'armée afin de déjouer "l'infiltration" des manifestations par les "instigateurs de plans pernicieux" et mercredi il s'est senti obligé d'assurer n'avoir "aucune ambition politique".
Le retour au centre de l'échiquier politique de l'armée -considérée comme le réel détenteur du pouvoir jusqu'à l'arrivée d'Abdelaziz Bouteflika- fait craindre à certains observateurs un possible scénario "à l'égyptienne".
En Egypte, le chef de l'armée, Abdel Fattah al-Sissi s'est fait élire président de l'Egypte après un coup d'Etat militaire en 2013 contre le président élu Mohamed Morsi. Peu après le coup d'Etat, Sissi avait assuré que l'armée "resterait éloignée de la politique".