En fin de matinée, la police quadrillait totalement le centre d'Alger où plusieurs centaines de personnes sont déjà rassemblées, en chantant "Y en a marre de ce pouvoir".
Ils ont crié aussi "dégage!" au président par intérim Abdelkader Bensalah et au chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah, devenu de facto l'homme fort du pays depuis la démission du président Abdelaziz Bouteflika, le 2 avril, sous la pression de la rue.
Après le départ de l'impopulaire Premier ministre Ahmed Ouyahia, l'abandon d'un 5e mandat par Bouteflika puis sa démission après 20 ans au pouvoir, les manifestants, qui défilent chaque vendredi depuis le 22 février, ont à nouveau obtenu gain de cause, le 2 juin: le Conseil constitutionnel a constaté "l'impossibilité" de tenir le scrutin du 4 juillet, faute de candidats sérieux.
Nouvelle victoire de la contestation? "oui et non", répond à l'AFP Dalia Ghanem Yazbeck, chercheuse au Carnegie Middle East Center basé à Beyrouth. "Oui dans le sens où (l'élection) n'aura pas lieu, c'est ce que la rue voulait; Et non, dans le sens où c'est un non-évènement car elle était, (d'un point de vue) logistique, impossible à organiser", explique-t-elle.
D'autant que jeudi Bensalah, qui avait convoqué la présidentielle avortée, a maintenu le cap sans faire aucune concession à la contestation qui exige avant tout scrutin le départ du pouvoir des anciens fidèles de Bouteflika -dont Bensalah- et des réformes politiques.
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Bensalah a insisté pour une élection "dans les meilleurs délais" et chargé des réformes le futur président élu. Le "dialogue" auquel il a appelé "la classe politique", largement discréditée aux yeux des manifestants, et une vague "société civile", suffira-t-il à éviter un nouvel échec?
Face à la contestation, le scrutin du 4 juillet n'a attiré aucun candidat sérieux. "Personne ne veut se présenter et participer à cette mascarade. Le pouvoir semble manquer de figure consensuelle" pour le représenter, "cela est évident aujourd'hui", note Dalia Ghanem Yazbeck.
Bensalah, à qui la Constitution a confié l'intérim pour 90 jours, n'aura personne à qui transmettre le pouvoir à l'issue de ce délai et sortira donc du "cadre constitutionnel" dont le haut commandement de l'armée refusait jusqu'ici de s'écarter. Le président par intérim a invoqué la situation "exceptionnelle" pour justifier la prolongation de fait de son mandat jusqu'à l'élection d'un nouveau chef de l'Etat, hors de tout cadre légal.
C'est la 2e fois qu'une présidentielle est annulée en moins de trois mois. Bouteflika avait annulé celle du 18 avril, tentant lui aussi de prolonger ainsi sine die son mandat en cours. Une manoeuvre qui avait démultiplié la colère.
Difficile de connaître le prochain pas d'un pouvoir qui semble naviguer à vue depuis le début de la contestation inédite. "Les autorités sont "dans l'improvisation", estime Dalia Ghanem Yazbeck, "il n'y a pas de solutions sur le long terme et contrairement à ce que les dirigeants ont pensé au début, le mouvement (de contestation) ne s'épuise pas".
La façon dont l'armée entend résoudre la crise, si la contestation persiste, suscite désormais de nombreuses questions. Si Bensalah s'exprimait jeudi pour la 3e fois depuis son entrée en fonction le 9 avril, le général Gaïd Salah a parlé une douzaine de fois durant la même période. C'est donc bien l'armée qui est à la manoeuvre.
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"Les options" qui s'offrent désormais au pouvoir "ne sont pas illimitées", note la chercheuse. "Les ressources coercitives sont toujours une option pendant les temps de crises politiques et surtout lorsque les acteurs, notamment l'armée ne veut pas perdre son pouvoir, regardons ce qui s'est passé au Soudan".
La sanglante répression au Soudan d'un mouvement de contestation qui a chassé le président Omar el Béchir pour se retrouver face à l'armée, est dans toutes les têtes en Algérie. "A ceux qui appellent à négocier avec l'armée" en Algérie "réveillez-vous (...) on ne négocie jamais avec un militaire", écrivait un tweeto algérien au-dessus d'images de la répression soudanaise, répondant à un appel du général Gaïd Salah au dialogue et à des "concessions mutuelles".