Principal concerné et "accusé" si l'on en croit les nombreux appels à sa démission, le ministre de la Santé Hassan al-Tamimi était toujours aux abonnés absents plus de 12 heures après le drame à l'hôpital Ibn al-Khatib.
Après cet incendie parti de bouteilles d'oxygène "stockées sans respect des conditions de sécurité" selon des sources médicales, des témoins et des médecins ont assuré à l'AFP qu'il n'était pas possible d'identifier de nombreux corps carbonisés.
Car l'évacuation a été lente et douloureuse, avec des patients et des proches se bousculant dans des escaliers de service et des malades décédés quand leurs ventilateurs leur ont été brusquement enlevés pour les évacuer.
En fait, explique un médecin d'Ibn al-Khatib à l'AFP sous couvert de l'anonymat, "à l'unité de soins intensifs du Covid, il n'y a ni issue de secours ni système anti-incendie".
Mot pour mot, c'est déjà ce qui apparaissait dans un rapport public sur le secteur de la Santé de 2017 et exhumé par la Commission gouvernementale des droits humains dans la nuit.
Pire, le ministère de l'Intérieur a annoncé dimanche que 7.000 incendies avaient au lieu de janvier à mars en Irak. Pour beaucoup, assurent responsables et pompiers, nés de court-circuits dans des magasins, des restaurants ou des immeubles dont le propriétaire avait payé des pots-de-vin pour éviter une mise aux normes.
"C'est la gabegie qui a tué ces gens", s'insurge le médecin d'Ibn al-Khatib, intarissable sur les manquements dans son établissement.
"Des cadres de santé se baladent en fumant dans l'hôpital où sont stockées des bouteilles d'oxygène. Même en soins intensifs, il y a toujours deux ou trois proches au chevet des malades", fulmine-t-il. Et, "ce n'est pas qu'à Ibn al-Khatib, c'est comme ça dans tous les hôpitaux publics" du pays.
"Quand des équipements tombent en panne, notre directeur nous dit de ne pas le signaler", abonde une infirmière dans un autre hôpital de Bagdad. "Il dit que ça donnerait une mauvaise image de l'établissement, mais en réalité, on n'a rien qui fonctionne", dit-elle à l'AFP.
Et même le président de la République Barham Saleh l'a reconnu sur Twitter: "la tragédie d'Ibn al-Khatib est le résultat d'années de sape des institutions de l'Etat par la corruption et la mauvaise gestion."
Jusque dans les années 1980, l'Irak était connu dans le monde arabe pour son service public de santé de haute qualité et gratuit pour tous. Aujourd'hui, ses hôpitaux sont vétustes, leur personnel peu formé et le budget de la santé n'atteint même pas les 2% dans un des pays pourtant les plus riches en pétrole du monde.
Des médecins racontent depuis des années les mêmes histoires: celles de confrères tabassés, menacés de mort ou enlevés par des proches de patients décédés ou tombés sous les feux croisés de heurts tribaux ou familiaux.
Les Irakiens préfèrent subir opérations et traitements lourds à l'étranger, car en Irak, la spéculation a fait exploser les prix: de la bouteille d'oxygène aux comprimés de vitamine C, ils ont été multipliés par trois ou plus depuis le début de la pandémie.
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En 2019 et début 2020, les Irakiens ont manifesté contre la corruption qui a coûté au pays deux fois son PIB. Pour eux, la déliquescence des services publics est le résultat d'années de népotisme et d'entente entre les partis politiques qui opèrent en cartel pour se protéger les uns les autres.
Dimanche encore, de nombreuses voix se sont interrogées sur la possibilité d'une démission ou d'un limogeage du ministre de la Santé, car il est soutenu par le turbulent et très puissant leader chiite Moqtada Sadr.
Après l'incendie, des responsables locaux ont été suspendus et sont actuellement interrogés mais ils ne sont, assurent des internautes en colère, que des fusibles.
Face à des dirigeants jugés "corrompus" et "incompétents", les Irakiens préfèrent depuis longtemps se débrouiller seuls.
Ce sont ainsi des jeunes hommes, bouche et nez couverts avec leur T-shirt, qui ont sorti des blessés, chargé des ambulances et aidé les rescapés au milieu des épaisses fumées à l'hôpital Ibn al-Khatib.