Vidéos. Erdogan appelle au boycott des produits français, soutiens en Europe pour Macron

Des produits français impossibles d'accès dans un supermarché d'Amman, en Jordanie, le 26 octobre 2020. 

Des produits français impossibles d'accès dans un supermarché d'Amman, en Jordanie, le 26 octobre 2020.  . KHALIL MAZRAAWI / AFP

Le 27/10/2020 à 06h11

VidéoLe président turc Recep Tayyip Erdogan a appelé hier, lundi 26 octobre 2020, au boycott des produits français, prenant la tête de la colère grandissante dans le monde musulman contre Emmanuel Macron après que ce dernier eut défendu la liberté de caricaturer le Prophète Mohammed.

"Je m'adresse d'ici à ma nation: surtout ne prêtez pas attention aux marques françaises, ne les achetez pas", a déclaré le président turc lors d'un discours virulent à Ankara.

L'escalade actuelle des tensions entre la Turquie et la France, dont les relations s'étaient déjà dégradées en raison de désaccords liés à la Syrie, la Libye et la Méditerranée orientale, s'est traduite par le rappel de l'ambassadeur français à Ankara samedi pour consultations.

La dernière crise a éclaté après qu’Emmanuel Macron eut promis que son pays continuerait de défendre ce genre de caricatures, lors d'un hommage national à Samuel Paty, un professeur décapité dans un attentat islamiste le 16 octobre pour avoir montré de telles représentations en classe.

Recep Tayyip Erdogan, qui a mis en cause la "santé mentale" d'Emmanuel Macron, a accusé hier, lundi, le chef d'Etat français de "diriger une campagne de haine" contre les musulmans, comparant le traitement de ces derniers en Europe à celui des Juifs avant la Deuxième Guerre mondiale.

Accusée par Paris de rester silencieuse sur le meurtre de l'enseignant français, la présidence turque a fini toutefois lundi par dénoncer un "assassinat monstrueux" qui "ne peut aucunement être justifié".

Face au barrage de critiques turques, le président français a enregistré une série de soutiens en Europe.

Les déclarations de Recep Tayyip Erdogan sont "diffamatoires" et "absolument pas acceptables", a ainsi déclaré le porte-parole de la chancelière allemande Angela Merkel.

"Les Pays-Bas défendent résolument aux côtés de la France les valeurs communes de l'UE. Pour la liberté d'expression et contre l'extrémisme et le radicalisme", a tweeté le Premier ministre néerlandais Mark Rutte.

Son homologue italien Giuseppe Conte a également apporté son soutien à Emmanuel Macron.

Le président de Chypre, Nicos Anastasiades, a condamné les déclarations du président turc, déclarant que "cette attaque contre le président français par le dirigeant d'un pays candidat à l'adhésion à l'UE est un affront vulgaire aux principes et aux valeurs de l'Union".

Mais dans le monde musulman, où toute représentation du prophète Mohammed est taboue, les déclarations du président français ont suscité des manifestations de colère.

A Gaza, quelques dizaines de manifestants anti-Macron se sont réunis pour le deuxième jour consécutif, collant une photo du chef d'Etat français barrée d'une croix rouge sur la façade de l'Institut français.

Ce week-end, plusieurs rassemblements ont eu lieu, en Tunisie ou dans certaines régions de Syrie, même s'ils n'ont réuni que quelques dizaines de personnes.

Les appels au boycott se sont aussi multipliés: dès samedi soir, des produits français ont été retirés des rayons de supermarchés à Doha, au Qatar.

En Jordanie, des vidéos sur les réseaux sociaux montraient des rayons de supermarchés vidés de leurs produits français, ou remplacés par ceux d'autres pays. Les vidéos étaient accompagnées de hashtags #France Boycott ou "#Our Prophet is a red line" (Le prophète est notre ligne rouge).

Le chef de la chambre de commerce d'Amman, Khalil Haj Tawfeeq a écrit à l'ambassadeur de France en Jordanie pour qu'Emmanuel Macron s'excuse immédiatement.

Au Sénégal, pays d'Afrique de l'Ouest majoritairement musulman, le mouvement panafricaniste "Frapp-France Dégage" a lancé un "appel au boycott des produits français pour dénoncer (l')amalgame indécent, insultant, entre islam et terrorisme, cette islamophobie encouragée et couvée par l'Etat impérialiste français".

"Il n'est pas question de céder au chantage", a dénoncé Geoffroy Roux de Bézieux, le chef du Medef, le principal syndicat patronal en France, appelant les entreprises françaises à faire passer leurs "principes" avant les affaires.

Des dizaines de petits sites internet français ont par ailleurs été touchés par une vague de piratages informatiques consistant à leur faire afficher des messages de propagande islamiste, a constaté lundi l'AFP.

Des messages tels que "Victoire pour Mohammed, victoire pour l'Islam et Mort à la France" et un montage représentant Emmanuel Macron grimé en cochon étaient affichés à la place de la page d'accueil de sites d'associations de retraités, de commerces ou de petites mairies.

Hier, lundi, la ministre française de la Culture Roselyne Bachelot a appelé à "l'apaisement", expliquant que la France ne luttait pas "contre les musulmans français", mais contre "l'islamisme et le terrorisme".

Emmanuel Macron a tweeté dimanche: "la liberté, nous la chérissons; l'égalité, nous la garantissons; la fraternité, nous la vivons avec intensité. Rien ne nous fera reculer, jamais".

Outre Recep Tayyip Erdogan, plusieurs responsables politiques dans le monde musulman ont également critiqué Emmanuel Macron.

Au Pakistan, le Premier ministre Imran Khan l'a accusé d'"attaquer l'islam".

Le ministère des Affaires étrangères marocain a fait savoir que le Royaume condamnait "vigoureusement la poursuite de la publication des caricatures outrageuses à l'islam et au prophète".

Le gouvernement libyen a lui aussi "fermement condamné" les propos d’Emmanuel Macron et exigé des excuses tandis qu'à Alger, le Haut Conseil islamique a condamné une "virulente campagne" contre les musulmans.

Des manifestations de protestation ont également eu lieu devant l'ambassade de France à Bagdad.

Le 27/10/2020 à 06h11