Convoquées en mars par la présidente de droite de la région, Isabel Diaz Ayuso du Parti Populaire (PP), après la rupture de son alliance avec les centristes de Ciudadanos, ces élections accaparent toute l'attention en Espagne depuis des semaines.
Preuve de leur importance, le chef de la formation de gauche radicale Podemos, Pablo Iglesias, personnalité politique nationale de premier plan, a décidé à la surprise générale de quitter le gouvernement de Pedro Sanchez, dont il était l'un des vice-présidents, pour se présenter à Madrid.
"C'est beaucoup plus qu'une région qui est en jeu", confirme Cristina Monge, politologue à l'Université de Saragosse.
"Les leaders (des formations dans la campagne), les thèmes ou la couverture médiatique sont ceux d'élections législatives" nationales, juge-t-elle.
Alors dimanche dernier, comme chaque semaine, Sanchez est descendu dans l'arène pour tenir aux côtés du candidat peu charismatique de son parti, Angel Gabilondo, un meeting dans la banlieue de la capitale espagnole.
Tentant de mobiliser la gauche -laquelle, selon les sondages, n'est pas en mesure de détrôner le PP qui dirige la région la plus riche du pays depuis 25 an -, le socialiste a brandi la "menace" de l'extrême-droite de Vox, dont Isabel Diaz Ayuso pourrait avoir besoin du soutien si elle n'obtient pas la majorité absolue.
"Il ne s'agit pas de Madrid mais de notre démocratie", a martelé Pedro Sanchez, en dénonçant la "ligne rouge" franchie par Vox qui a douté de la réalité de lettres de menaces de mort contenant des balles reçues par Pablo Iglesias ou par le ministre de l'Intérieur, Fernando Grande-Marlaska.
Une cible: SanchezMais l'implication de Sanchez est une arme à "double tranchant", selon Pablo Simon, professeur de sciences politiques à l'université Carlos III de Madrid, car elle "ne mobilise pas forcément à gauche mais motive en revanche (les électeurs de) la droite".
Figure montante du PP, Isabel Diaz Ayuso est du même avis et a fait de Sanchez et de sa gestion de la pandémie son angle d'attaque, obligeant même lors d'un débat télévisé Angel Gabilondo à lui rappeler qu'il était le candidat des socialistes.
"Mme Ayuso bénéficie du fait d'avoir mené une opposition frontale au gouvernement espagnol sur le thème du coronavirus, ce qui favorise le PP" dans ce scrutin, analyse Antonio Barroso du cabinet de conseil Teneo.
Engagé à l'automne dans un bras de fer avec le gouvernement Sanchez sur les restrictions, elle a fait de la région de Madrid, compétente comme les autres en matière de santé et de gestion de la crise sanitaire, la plus permissive d'Espagne.
Surfant sur le ras-le-bol d'une partie de l'opinion à l'égard des restrictions anti-Covid, elle a pris "Liberté" pour slogan.
Personnellement impliqué dans cette campagne, Pedro Sanchez devra nécessairement en supporter les conséquences.
Si le PP obtient une victoire nette à Madrid, "l'opposition le rendra responsable" et tentera d'en profiter sur l'échiquier politique national, estime Pablo Simon.
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"Je vais dire une seule chose à Sanchez, c'est que je l'invite à abandonner la Moncloa (siège du gouvernement espagnol) quand il aura obtenu les pires résultats du Parti socialiste à Madrid", a d'ailleurs déjà lancé Isabel Diaz Ayuso le 17 avril.
Mais Antonio Barroso juge, lui, qu'une victoire d'Ayuso, au discours très marqué à droite, pourrait aussi créer une "fracture interne" au sein du PP dont le chef, Pablo Casado, "s'est déplacé vers le centre ces derniers mois".
Ayuso, qui gouverne déjà à Madrid grâce au soutien de Vox au parlement régional, n'a pas exclu un nouveau pacte avec cette formation.
"Quel va être le discours" du PP au niveau national dans ce contexte?, s'interroge l'analyste, selon qui ce débat interne "pourrait favoriser Sanchez et le faire passer pour quelqu'un de modéré".