Après près de six mois d'auditions mouvementées, avec des témoignages émouvants et des révélations glaçantes sur des expériences sur des "cobayes humains" avec des remèdes inefficaces, la CPI constituée de sénateurs de diverses tendances politiques rend un rapport très attendu.
Le document d'environ 1.200 pages doit être lu -probablement dans une version abrégée- par le rapporteur Renan Calheiros. Celui-ci a annoncé hier soir, mardi 19 octobre 2021, avoir retenu neuf chefs d'accusation contre Jair Bolsonaro, dont "crime contre l'humanité" et "prévarication". Dans un tweet lundi dernier, Renan Calheiros demande d'"écouter les 603.324 victimes [du Covid-19] à travers leurs déclarations choquantes à la CPI".
Les chefs d'accusation d'"homicide" et "génocide de populations indigènes" ont été retirés en dernière minute en raison de dissensions au sein de la CPI.
Pour la CPI, les crimes cités dans le rapport sont "intentionnels", le gouvernement Bolsonaro ayant délibérément décidé de ne pas prendre les mesures nécessaires pour contenir la circulation du virus.
Des accusations gravissimes, qui devraient néanmoins avoir une portée surtout symbolique pour l'heure, le président d'extrême-droite bénéficiant de soutiens au Parlement à même de lui éviter l'ouverture d'une procédure de destitution. De même, le procureur général Augusto Aras, un allié de Jair Bolsonaro, peut faire barrage à toute inculpation.
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La CPI devrait également demander l'inculpation de plusieurs ministres et des trois fils aînés du président, dont le sénateur Flavio Bolsonaro, qui a qualifié la Commission de "mascarade".
"Ce rapport aura des allures de sentence, mais le gouvernement est serein. On peut critiquer l'attitude du président, mais pas l'incriminer", a déclaré au site Uol Fernando Bezerra, chef du bloc parlementaire du gouvernement au Sénat.
"Nous méritons des excuses"La CPI n'a pas le pouvoir d'engager elle-même des poursuites judiciaires, mais ses révélations pourraient avoir un impact politique considérable, alors que les sondages donnent déjà Jair Bolsonaro perdant face à l'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva à un an de la présidentielle. Mais dans une conversation avec des partisans hier, mardi 19 octobre 2021, le président brésilien s'est une fois de plus moqué du rapporteur de la commission, Renan Calheiros.
Le rapport sera tranmis au Parquet, seul compétent pour inculper les personnes incriminées par la CPI. Dans le cas de Jair Bolsonaro, les spécialistes jugent cette inculpation peu probable, puisqu'elle est du ressort du procureur général.
Après les auditions de plusieurs ministres, hauts fonctionnaires ou dirigeants d'hôpitaux et d'entreprises, la CPI a pris un tour plus humain lundi dernier, avec les témoignages de familles de victimes du Covid-19.
"Nous méritons des excuses de la part de la plus haute autorité de l'Etat (le président Bolsonaro). Ce n'est pas une question de politique. On parle de vies", a déclaré, au bord des larmes, le chauffeur de taxi Márcio Antônio Silva, qui a perdu son fils de 25 ans.
"Ce que nous avons vu, c'est l'antithèse de ce qu'on pouvait attendre d'un président de la République. Nous ne l'avons jamais vu verser des larmes de compassion ni exprimer ses condoléances pour le peuple brésilien en deuil", a renchéri devant la CPI Antônio Carlos Costa, président de Rio de Paz, une ONG.
"Punir les responsables"La CPI a enquêté sur les responsabilités du gouvernement dans la grave pénurie d'oxygène qui a causé la mort de dizaines de patiens par asphyxie à Manaus (nord), le discours anticonfinement de Jair Bolsonaro et son déni face à la gravité du Covid, une "grippette".
Le gouvernement est aussi épinglé pour des retards et des soupçons de corruption dans l'acquisition de vaccins.
La Commission s'est également penchée sur les relations entre Brasilia et des mutuelles de santé privées accusées de promouvoir le "traitement précoce", avec notamment de l'hydroxychloroquine, dont l'inefficacité a été prouvée scientifiquement.
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L'une d'elles, Prevent Senior, est soupçonnée d'avoir mené à l'insu de ses patients des expériences avec ce type de traitements, et d'avoir fait pression sur ses médecins pour les prescrire à des "cobayes humains".
"Le rapport de la CPI a clairement pour but d'aboutir à la punition des responsables, et il y en a beaucoup. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas les punir", a résumé hier, mardi 19 octobre 2021, Omar Aziz, président de la Commission.